Tourisme tunisien : la révolution n’a pas encore eu lieu

Tourisme tunisien : la révolution n’a pas encore eu lieu


Par Moncef MAHROUG

En juin
2004, Fitch Ratings avait brossé un tableau peu reluisant de l’état de
l’industrie touristique tunisienne. Dans son nouveau rapport, rendu public
le 12 décembre 2007, l’agence de rating constate une situation qui ne s’est guère
améliorée, en dépit des mesures prises par le gouvernement.

 

«Le
tourisme tunisien pourra difficilement faire l’économie d’une révision
radicale de sa stratégie de développement et de ses modes de fonctionnement,
dans le sens d’une véritable diversification de son offre, d’une croissance
plus qualitative que quantitative et plus profondément inspirée des
principes du développement durable ». C’est ainsi que Fitch Ratings avait
conclu son précédent rapport sur l’industrie touristique tunisienne, publié
en juin 2004. Trois ans plus tard, l’agence de rating a de nouveau analysé la situation de ce secteur d’activité qui occupe une place
importante dans l’économie tunisienne et est arrivée, encore une fois, à la
conclusion qu’ «une révision stratégique profonde est essentielle pour
repositionner la destination touristique tunisienne ». Une manière de dire
que, pratiquement, les changements profonds dont l’industrie touristique
tunisienne a besoin n’ont pas encore eu lieu, et que rien, ou presque, n’a
été fait dans ce sens durant les 45 mois qui séparent les deux rapports.

 

Centré sur
l’analyse des principales caractéristiques de cette industrie, le rapport de
juin 2004 en avait mis en exergue les faiblesses, dont en particulier la
pratique de ce que Fitch Ratings appelle une «monoculture intensive du
produit balnéaire » combinée à «la faiblesse quantitative et qualitative des
infrastructures de loisirs ». Une situation qui a pour conséquence la
«recherche désespérée » par les hôteliers tunisiens de meilleurs taux de
remplissage, entraînant elle-même une commercialisation des chambres à très
bas prix, des «niveaux de rentabilité extrêmement faibles », et, en bout de
chaîne, un très lourd endettement représentant près du quart des engagements
du système bancaire dans le tourisme (soit 807 MDT, sur un total s’élevant à
3.292 MDT).

 

Dans son
nouveau rapport, datant du 12 décembre 2007, et intitulé «l’industrie
touristique tunisienne : un modèle économique à rénover », Fitch Ratings
constate les mêmes faiblesses et leurs conséquences néfastes sur ce secteur
d’activité. L’agence de rating rappelle, ainsi, que «la stratégie de
croissance tous azimuts qui a prévalu pendant des décennies a abouti à une
surcapacité d’offre non diversifiée (…) presque exclusivement basée sur le
tourisme balnéaire ». Ce qui «a amené les hôtels à dépendre de plus en plus
des tours opérateurs internationaux pour la vente du produit tunisien ».
Circonstance aggravée par «l’émergence de destinations concurrentes
favorisées notamment par la baisse du coût du transport aérien » qui a
accentué les difficultés des hôteliers tunisiens et les a conduit «à
pratiquer des baisses de prix afin de pallier à un taux d’occupation trop
bas ». Une solution qui n’en est pas une puisqu’elle a pour conséquence un
faible niveau de rentabilité affectant «la solvabilité et la qualité de
services » des hôtels.

 

Certes, le
gouvernement a essayé de redresser la barre, mais les mesures –positives-
qu’il a prises (nouvelles normes de classification des hôtels, programme de
mise à niveau) sont insuffisantes selon Fitch qui affirme craindre que «les
problèmes fondamentaux demeurent, entravant ainsi les performances du
secteur ».

 

Pourtant,
les pouvoirs publics ont bien organisé en 2005 une «consultation nationale »
sur la stratégie de développement du tourisme tunisien, qui aurait du
marquer le début du changement. Or, il n’en est rien; et face à ce constat,
on doit se demander si cette consultation a été bien organisée et menée,
axée sur les questions qu’on devait se poser, et a donné les résultats
escomptés, en l’occurrence la formulation d’une nouvelle stratégie. Et si
oui il reste à savoir pourquoi elle n’a pas –ou si peu- été suivie d’effet.
Autant d’interrogations auxquelles M.Khélil Laadjimi, nouveau ministre du
Tourisme, doit absolument répondre pour déblayer le terrain en vue de faire
faire à ce secteur la révolution dont il a tant besoin.