Marché financier tunisien : Les reformes 2000- 2007 (4)

Par : Autres

Cette période peut
être considérée comme la période des profondes transformations. En effet, de
nombreux travaux de regroupement ou d’aménagement de textes, dont certains
ont été lancés depuis 5 ou 10 ans, sont arrivés à terme et ont donné leurs
résultats. Les textes régissant les marchés financier et monétaire et la
législation des entreprises ont été soit révisés soit profondément remaniés.
Les notions modernes de sécurité des opérations financière, de lutte contre
le blanchiment ou de bonne gouvernance ont été incluses dans la législation
tunisienne. Cet effort important d’adaptation continue encore et de nombreux
textes sont actuellement entre les mains de commissions qui doivent les
adapter à l’évolution des marchés, des pratiques commerciales ou des règles
déontologiques.

 

La loi 2000-35
relative à la dématérialisation des titres vient consacrer le principe de la
mort du titre papier –certificat d’actions ou d’obligations sous forme
papier- dont l’utilisation a commencé à décliner dès les années 80.

 

Cette loi a aussi
interdit les titres au porteur. Rappelons qu’avant cette loi les actions des
sociétés pouvaient être émises au nominatif, c’est-à-dire avec inscription
du nom de l’actionnaire sur le titre papier ou sur le registre des
actionnaires de la société. Elles pouvaient être, après autorisation du
ministère des Finances, émises au porteur c’est-à-dire au nom «porteur».

 

On comprend que les
titres au porteur puissent s’échanger de la main à la main «possession vaut
propriété». Pour les titres au porteur, chaque changement de propriété
devait se faire avec intervention d’un intermédiaire en bourse. La
modification du titre au nom du nouvel actionnaire nécessitait
l’intervention de la société, l’annulation de l’ancien certificat de titres
et l’émission d’un nouveau. Cette procédure, qui pouvait durer de 15 jours à
plusieurs mois, ne pouvait plus correspondre à la nouvelle étape d’évolution
du marché financier et surtout la cotation sur tableau ou la cotation
électronique qui permettent la cession des titres achetés durant la séance
de cotation du même jour.

 

La loi 2000-93 portant
promulgation du code des sociétés commerciales traduit un changement
important dans l’organisation de la législation en Tunisie. La nouvelle
approche, qui a mis de nombreuses années pour aboutir, vise le regroupement
dans des codes spécialisés d’une législation souvent éparse et constamment
remaniée. Les sociétés commerciales ont enfin leur code qui traduit
l’importance que donne le législateur à ces structures économiques. Cette
loi est mise à jour au moins une fois par an depuis l’an 2000, mise à jour
qui traduit l’évolution rapide des pratiques économiques et l’augmentation
des risques économiques que révèlent les scandales financiers et leurs
résultats catastrophiques sur les investisseurs.

 

Ce texte regroupe des
dispositions éparses qui se trouvaient avant dans le code de commerce, des
lois spéciales ; emprunts obligataires, produits financiers… La loi a aussi
précisé les nouvelles notions de groupement de sociétés et a précisé les
conditions de fusions, scission et transformation des sociétés, précisions
nécessaires pour faciliter les transformations attendues du paysage
économique tunisien.

 

La loi 2001-83 portant
promulgation du code des organismes de placement collectif procède de la
même approche que pour le code des sociétés. Ce code regroupe une
législation éparse facilitant par la même la compréhension et la bonne
application des obligations et règles de fonctionnement de cette catégorie
de collecteur d’épargne. Une législation plus détaillée, des contrôles plus
fréquents mis en place vise à éviter le renouvellement de la crise que les
SICAV avaient connue en 1986 pour absence de réglementation et de
surveillance.

 

Cette loi a ouvert la
voie à un autre moyen de financement des établissements de crédit,
spécialement les banques, c’est la TITRISATION. La titrisation est un
processus par lequel une institution de crédits classe ses crédits
hypothécaires par catégorie, les vend à un Fonds Commun de créances qui, à
son tour, émet des parts de fonds représentatives de créances. Adossés aux
crédits rachetés, ces fonds distribuent les intérêts qu’ils reçoivent. Des
techniques sophistiquées permettent d’obtenir une bonne notation du fonds et
d’améliorer la sécurité pour les porteurs de parts. Les fonds levés
serviront à payer les crédits rachetés. En créant et en organisant les fonds
communs de créances, ce code a permis le lancement par la BIAT, après une
expérience non concluante dune autre banque, du premier fonds et de la
première société de gestions de fonds commun de créances.

 

La «Titrisation», un
petit mot mais des opportunités énormes. A titre d’exemple, l’ex crédit
lyonnais, banque française, a pu se financer pendant des années par le biais
de la titrisation de ses créances alors qu’il connaissait des difficultés
sérieuses l’empêchant de se présenter sur le marché des emprunts à cause
d’une mauvaise notation.

 

Ce code a donné lieu à
une réglementation dense et très détaillée : règlement du CMF relatif aux
organismes de placements collectifs en valeurs mobilières et aux sociétés de
gestion en 2002, règlement du CMF relatif au fonds commun de créances et aux
sociétés de gestion desdits fonds, liste des organismes de notation qui
procèdent à l’appréciation des caractéristiques des parts… et à l’évaluation
des risques rattachés à ces créances en 2003…

 

La loi 2003-42
relative aux opérations d’achat avec l’engagement de revente des valeurs
mobilières et des effets de commerce est un autre mécanisme qui facilite les
opérations d’échange de titres ou d’espèces entre banques elles-mêmes et
entre les banques et leurs clients et spécialement les OPCVM. Ce mécanisme
permet d’acheter des valeurs mobilières pour une période déterminée avec
l’engagement du vendeur de reprendre ses titres à une date précise et à prix
convenu d’avance. Dans ce cas, il n’y a pas transfert de la propriété des
titres qui sont déposés chez un dépositaire émetteur ou intermédiaire agréé.
On parle de pension livrée parce que les titres sont mis en pension ou de
REPOS. Une convention de place très détaillée approuvée par la BCT a été
mise en place et sert de cadre à toutes les opérations de pension livrée.
Elle présente une définition unique pour les différents termes utilisés dans
ces opérations depuis la «date de cession» à la «date de rétrocession» en
passant par «l’appel de marge»… Cette convention de place facilitera la
résolution de tout conflit relatif à ce type d’opérations.

 

La loi 2003-75
relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme
et la répression du blanchiment d’argent vient combler un vide et garantir
l’application des meilleures normes internationales dans ce domaine en
Tunisie. Elle garantit la qualité et l’origine propre des fonds utilisés
pour les transactions financières y compris l’acquisition de valeurs
mobilières en bourse.

 

La loi 2005-58
relative aux fonds d’amorçage crée un nouveau véhicule visant le
renforcement des fonds propres des projets innovants avant la phase de
démarrage effectif. Ces fonds sont destinés à aider les promoteurs à
exploiter des brevets d’invention, à achever des études technique et
économique des nouveaux projets… Une législation spéciale et des avantages
fiscaux ont été réservés à ces fonds.

 

La loi 2005-96
relative au renforcement de la sécurité des relations financières peut être
considérée comme une des plus importantes des 7 dernières années ; elle a
touché plusieurs lois : la loi 94-117 sur le marché financier ou des codes ;
code des sociétés commerciales en mettant à jour certaines dispositions ou
introduisant de nouvelles que l’évolution des marchés financiers et des
entreprises ont rendues nécessaires :

 

– Commissariat aux
comptes, elle a rappelé et renforcé le rôle du commissaire aux comptes,
imposé un commissaire aux comptes aux SARL sous certaines conditions et a
pris des mesures pour assurer l’indépendance des CAC et pour le renforcement
de leurs contrôles sur les comptes. De nouvelles obligations d’information
et de transmission de leurs rapports à la BCT et au CMF pour les sociétés
faisant appel public à l’épargne ont aussi été mises en place.

 

– Registre du commerce
: La loi a dépoussiéré la législation sur le registre de commerce en
édictant de nouvelles obligations de dépôt de document pour alimenter ce
registre et permettre une diffusion fluide et facile de l’information sur
les entreprises.

 

– Information du
marché et du CMF : la loi a renforcé le contrôle du CMF sur l’information
des entreprises faisant appel public à l’épargne en édictant de nouvelles
obligations d’information et de présentation au CMF de documents financiers.

 

– Bloc de contrôle et
franchissement de seuils : la loi a précisé ces notions et revu les % de
participation dont le franchissement à la hausse ou à la baisse entraîne une
déclaration auprès du CMF et de la société émettrice.

 

– Création des comités
d’audit : cette disposition, qui fait partie des règle de bonne gouvernance
des entreprises et qui existe déjà pour les banques depuis la loi 2001-65
relative aux établissements de crédits, a été étendu aux sociétés faisant
appel public à l’épargne. Cette disposition est très importante au regard de
ce qui se passe aujourd’hui au niveau de nombreux pays avec les scandales
financiers et la manipulation des comptes. Ce comité d’audit présidé à
l’étranger par un administrateur, souvent indépendant, ayant une expérience
dans les domaines financiers et comptables, est le vis-à-vis du ou des
commissaires aux comptes et des auditeurs internes ou externes de
l’entreprise. La loi interdit aux dirigeants de la société de faire partie
de ce comité.

 

– Gestion de
portefeuilles : la loi s’est intéressé à la gestion de portefeuilles surtout
après l’apparition de nombreuses personnes offrant leurs services pour la
gestion de portefeuilles de personnes physiques ou morales en dehors de tout
cadre légal. Ainsi la gestion de portefeuilles pour le compte de tiers est
aujourd’hui un métier réglementé nécessitant un agrément du CMF qui s’assure
de l’expérience et des garanties présentées par les candidats à ce métier.

 

La loi 2005-105
portant création des fonds communs de placement à risque ajoute une nouvelle
structure de financement a côté des sociétés d’investissement à capital
risque SICAR. La différence réside dans la souplesse de gestion de la
nouvelle structure. La SICAR est une société anonyme ayant une personnalité
morale avec un conseil d’administration, un président du conseil
d’administration et un directeur général. Le conseil d’administration se
réunit plusieurs fois par an et les actionnaires au moins une fois par an en
assemblée générale ordinaire, ce qui est lourd et coûteux. Un fonds commun
de placement est une copropriété qui n’a pas de personnalité morale et qui
ne nécessite pas de conseil d’administration, il est formé par un
gestionnaire et un dépositaire qui est souvent une banque. C’est donc une
structure souple qui va gérer ce fonds à risque qui intervient dans la
participation pour le compte de porteurs de parts et en vue de la
rétrocession au renforcement des fonds propres des entreprises.

 

L’arrêté du ministre
des Finances du 24 septembre 2007, visant les modifications du règlement
général de la bourse de Tunis, officialise la création d’un nouveau marché à
la bourse de Tunis. Le Marché alternatif qui est ouvert aux entreprises
nouvellement créées ou en cours de création et qui ne remplissent pas les
conditions de capital, de bénéfices et de dividendes exigés pour le marché
officiel de la cote. A la différence du marché officiel, le Marché
alternatif est, par construction, plus risqué. C’est pour cette raison que
le législateur a entouré cette création de nombreuses précautions : ainsi un
nouveau métier est créé : le listing sponsor chargé de conseiller,
introduire la société à la cote et la suivre tout au long de sa vie dans ce
marché.

 

Le décret 2007-1678,
modifiant et complétant le décret portant statut des intermédiaires en
bourse, a réaffirmé l’interdiction de cumul des fonctions d’un dirigeant
d’un intermédiaire en bourse avec toute autre fonction dans un autre
intermédiaire en bourse, dans une société cotée ou dans un établissement
financier.

 

Cette disposition
n’est pas la plus importante de ce décret ; en effet, cet décret a précisé
les missions du listing Sponsor, nouveau métier nécessitant un agrément du
CMF.

 

Les années 2006 et
2007 ont connu de nombreux textes d’application des lois précédemment
mentionnées dont notamment les bons du trésor, les sociétés
d’investissement, le capital risque, les OPCVM, le code des sociétés
commerciales, la réglementation sur les redevances du CMF, l’appel public à
l’épargne, la tenue et l’administration des comptes, l’investissement
étranger en valeurs mobilières…

 

Cette situation de
calme apparent cache en fait un effort important de réflexion mené par
diverses commissions qui sont chargées de l’évaluation des différents textes
dont ceux relatifs au marché financier.