[16/01/2008 19:38:41] PARIS (AFP) La justice française a condamné mercredi le groupe pétrolier Total à verser avec trois co-accusés 192 millions d’euros pour le naufrage de l’Erika qui avait provoqué en 1999 une gigantesque marée noire, à l’issue du premier grand procès en France d’une catastrophe écologique. Le groupe français, propriétaire de la cargaison, a été condamné à verser cette somme aux victimes de la marée noire, solidairement avec le propriétaire de l’Erika, le gestionnaire du navire et la société de classification Rina, tous italiens. Le jugement reconnaît, pour la première fois en France, l’existence d’un préjudice écologique “résultant de l’atteinte portée à l’environnement”, donnant notamment droit à réparation aux associations de défense de l’environnement. Les régions du littoral atlantique, qui ont mis des années à se remettre de la marée noire, et les organisations de défense de l’environnement ont unanimement salué un jugement “historique”.
“C’est une grande première” et un “fait majeur pour l’environnement”, a jugé de son côté la secrétaire d’Etat à l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet. Le tribunal correctionnel de Paris a estimé que Total n’était pas l’affréteur –intouchable selon les conventions internationales– mais qu’il avait commis une “faute d’imprudence” qui a “provoqué l’accident” du pétrolier le 12 décembre 1999 au large du golfe de Gascogne (ouest). A la suite de ce naufrage, 20.000 tonnes de fioul lourd, ultra-polluant, s’étaient déversés sur 400 km de côtes françaises, provoquant notamment la mort de plus de 150.000 oiseaux. Dans ce jugement, qui devrait faire réfléchir les majors pétroliers faisant transiter chaque année des milliers de tankers dans les eaux françaises, le tribunal reproche au groupe pétrolier de n’avoir pas tenu compte de “l’âge du navire”, près de 25 ans, et de “la discontinuité de sa gestion technique et de son entretien”. L’avocat de Total, Me Daniel Soulez-Larivière, a déclaré qu’il allait conseiller à la compagnie pétrolière de faire appel. Total, comme les autres condamnés, a écopé de l’amende maximale. Ces amendes sont de 375.000 euros pour les personnes morales Total et la société de classification Rina, qui a délivré au navire ses certificats de navigabilité, et de 75.000 euros pour les personnes physiques que sont l’armateur Giuseppe Savarese et le gestionnaire Antonio Pollara. Ces deux derniers ont été reconnus coupables d’une “faute caractérisée”, le tribunal estimant qu’ils ne pouvaient pas ignorer que les travaux de réparation du pétrolier avaient été conduits de manière à “réduire les coûts”. En revanche, les quatre membres des secours ont été relaxés, de même que le capitaine indien Karun Mathur. Le jugement, en consacrant le principe d’un préjudice écologique pour “atteinte à l’environnement”, ouvre la possibilité aux associations ou organisations écologistes de se constituer parties civiles. Les parties civiles, qui avaient réclamé un milliard d’euros de dommages et intérêts, peuvent demander le paiement des 192 millions d’euros à l’un des condamnés, de préférence le plus riche, à charge pour lui de se faire rembourser les quote-parts auprès des autres. C’est ce qui inquiète Total, dont les poches sont de loin les plus garnies avec des bénéfices records de 12,6 milliards en 2006. Des associations comme Greenpeace ou la Ligue de protection des oiseaux (LPO) figurent parmi ces parties civiles, au même titre que de nombreuses collectivités locales. “C’est une première en France, la situation est historique”, a déclaré Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO, qui doit toucher quelque 800.000 euros. L’Etat français se taille la part du lion des indemnisations, puisqu’il recevra près de 154 millions d’euros. |
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