[22/01/2008 15:47:43] PARIS (AFP) L’accumulation de craintes sur plusieurs fronts – croissance américaine, crise financière, politiques monétaires – a transformé en “lundi noir” la crise de confiance qui couvait depuis des mois sur les marchés boursiers. PEUT-ON PARLER DE KRACH ? Les spécialistes estiment que non, pas encore. Les marchés mondiaux ont subi jusque-là l’un de leurs plus violents décrochages en vingt ans, mais la baisse des indices lundi n’a pas dépassé 8%. “On est très loin du krach du 19 octobre 1987, qui avait vu le Dow Jones dégringoler de 22,6% en une seule séance”, rappelle Frédéric Rozier, de la société de gestion Meeschaert. Par ailleurs, cette tempête ne marque pas de retournement brutal de tendance. Les Bourses évoluaient en dents de scie depuis six mois et reculaient depuis le début de l’année. “Les actions ne sont pas surévaluées, ce qui nous place dans une situation très différente de l’explosion de la bulle internet”, selon M. Rozier. COMMENT EXPLIQUER LA CHUTE DES BOURSES ?
Contrairement au 11 septembre 2001, aucun événement majeur n’a déclenché la panique. Mais “une goutte d’eau” a donné le signal redouté par les investisseurs: une dégradation en chaîne des notes des “rehausseurs de crédits”, chargés de garantir les émetteurs d’obligations, qui obligerait les banques à de nouvelles dépréciations d’actifs. Or le système bancaire n’a pas fini d’absorber la crise des crédits à risque (“subprime”). Les craintes d’une récession américaine nées fin 2007 se sont transformées en quasi-certitude. Les marchés en font le scénario le plus probable, et s’interrogent désormais sur l’ampleur d’un probable ralentissement mondial. Dernier élément, de nombreux clients de sociétés de gestion cherchent à récupérer leur argent, obligeant les gérants à vendre des titres en urgence. Cette “purge” amplifie violemment la baisse et touche jusqu’aux secteurs les plus résistants en période de crise. LES AUTORITES PEUVENT-ELLES RASSURER LES MARCHES ? Le plan de relance présenté par la Maison Blanche n’a pas convaincu. Imprécis, il est aussi jugé “trop classique” puisqu’il ne propose aucune mesure spécifique pour éviter une grave crise de liquidité. Du côté des autorités monétaires, les divergences entre la Réserve fédérale américaine, qui a fortement baissé son principal taux, et la Banque centrale européenne, qui menaçait récemment de relever le sien si l’inflation s’emballe, sont très mal perçues. “En 1987, le désaccord entre la Bundesbank et la Fed avait précipité le krach boursier”, rappelle Yves Marçais, stratégiste de Global Equities. COMBIEN DE TEMPS LA CRISE RISQUE-T-ELLE DE DURER ?
Plusieurs mois, de l’avis général. Jean-Christophe Dourret, d’Oddo Securities, s’attend à une baisse étalée “probablement sur tout 2008”, malgré d’éventuels “rebonds techniques”. L’été prochain pourrait être déterminant, si les résultats semestriels de sociétés sont de bonne facture et “si l’on discerne de premiers signes d’une reprise aux Etats-Unis”, explique Frédéric Rozier, de Meeschaert. QUELS SONT LES RISQUES POUR LA CROISSANCE MONDIALE ? Tout dépend de la durée de la crise. Si elle perdure, “c’est toute la mécanique du crédit qui va se paralyser progressivement”, explique Elie Cohen, économiste au CNRS pour qui “on entrerait clairement dans des scénarios possibles de récession aux Etats-Unis parce que le ménage américain ne pourrait plus consommer” et que la consommation représente “les trois quarts du PIB aux Etats-Unis”. “Je ne pense pas qu’il puisse y avoir un monde qui puisse continuer de croître très fortement sans les Etats-Unis”, poursuit M. Cohen, pour qui les économies européennes ou chinoises connaîtraient alors des rythmes de croissance plus faibles. La crise a déjà eu des impacts directs en Europe, notament sur l’industrie financière en Grande-Bretagne, sur la croissance de l’Espagne, qui était tirée depuis dix ans par l’immobilier ou le BTP, rappelle l’économiste. |
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