[23/01/2008 07:42:40] BERLIN (AFP) L’assemblée générale jeudi du vénérable conglomérat allemand Siemens risque fort de s’apparenter à un tribunal populaire, la faute à un scandale de corruption dont on ne voit pas le bout. La colère des quelque 10.000 actionnaires attendus à Munich (sud) devrait épargner le patron Peter Löscher, porté aux commandes il y a environ six mois, après l’éclatement des affaires de pots-de-vin. Mais elle devrait s’abattre sur le reste de la direction et sur les contrôleurs du groupe, en particulier le président du conseil de surveillance, Gerhard Cromme, et son bras droit, le patron de la Deutsche Bank, Josef Ackermann. L’association de petits actionnaires DSW entend bien voter jeudi contre le renouvellement des mandats des deux hommes, qui semble malgré tout garanti. Grands absents sur le banc des accusés, l’ancien patron Klaus Kleinfeld, ainsi que l’ancien président du conseil de surveillance et chef emblématique de Siemens de 1992 à 2005 Heinrich von Pierer, auront sans doute les oreilles qui siffleront.
Tous deux avaient pris la porte l’an dernier. Signe de la méfiance ambiante, Siemens a renoncé cet année au traditionnel “vote de quitus”, scrutin par lequel les actionnaires saluent la gestion passée de l’équipe dirigeante. Cela fait maintenant plus d’un an que les révélations se multiplient sur les transactions louches de Siemens, le plus souvent des dessous-de-table pour décrocher des contrats internationaux. Au dernier comptage, le premier employeur privé d’Allemagne avouait 1,3 milliard d’euros de fonds douteux. Selon la presse, les dénonciations en interne se multiplient et dressent le portrait d’une entreprise corrompue jusque dans les étages. Même l’Autorité boursière américaine SEC juge que Siemens est “le plus gros cas de corruption jamais vu”, a reconnu Gerhard Cromme. Le conglomérat allemand, coté à New York, redoute de se voir infliger une amende de 4 milliards d’euros aux Etats-Unis, selon le magazine Wirtschaftswoche.
Jusqu’ici, le scandale lui a déjà coûté un milliard d’euros sous la forme d’une amende en Allemagne, de sanctions fiscales et de frais d’avocats. Dans le pire des cas, il pourrait se voir exclure de tous les appels d’offres aux Etats-Unis. La Norvège a déjà décidé de bouder Siemens, actif dans 190 pays. Jusqu’au Nigeria, pourtant l’un des pays les plus corrompus au monde, selon l’organisation Transparency International, qui a décidé de le boycotter. Le bilan financier du groupe, qui vend dans le monde entier aussi bien des centrales électriques que des trains ou des équipements médicaux, reste malgré tout florissant. M. Löscher doit présenter jeudi des chiffres trimestriels. Les analystes interrogés par Thomson Financial News attendent un résultat net de plus de 5 milliards d’euros et des bénéfices opérationnels en hausse. Plus que jamais, tous les espoirs des actionnaires reposent sur les épaules du patron autrichien, le premier de l’histoire de Siemens à avoir été recruté en externe. En quelques mois, M. Löscher a renouvelé l’équipe dirigeante et commencé à simplifier la structure d’une entreprise tentaculaire. Il va aussi devoir reprendre en main les directions de Siemens dans des pays étrangers, dont les patrons sont surnommés “les princes.” Selon le Financial Times Deutschland, il entend de plus revoir le système de primes pour combler le déficit de compétitivité du groupe allemand par rapport à ses concurrents, en tête desquels l’américain General Electric, ancien employeur de M. Löscher. Le patron de Siemens l’a reconnu lui-même: le chantier va durer “des années”. |
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