[26/01/2008 11:45:51] DAVOS (AFP)
Tout le monde en parle, mais pas devant la presse: la fraude à la Société Générale suscite la stupeur au Forum de Davos devant la fragilité insoupçonnée du système bancaire, au point que les participants se refusent à céder publiquement à l’alarmisme. “Hallucinant”, “incroyable”, “incompréhensible” sont les mots qui reviennent le plus dans les conversations au Forum économique mondial à propos des malversations du jeune courtier Jérôme Kerviel, accusé d’avoir fait perdre 4,9 milliards d’euros à la deuxième banque française. “Je ne comprends pas comment il a pu dissimuler des positions de 50 milliards de dollars”, confie un haut responsable européen. “Ca paraît totalement invraisemblable”. Mais les dirigeants politiques et économique réunis dans la station helvétique se refusent à être cités sur le sujet, dans un Forum dont l’ambiance a déjà été quelque peu plombée par la crise financière et le risque de récession aux Etats-Unis. “Vous êtes le 38e journaliste à me poser la question aujourd’hui, mais je ne dirai rien sur la Société Générale”, dissuade un ex-ministre français de l’Economie, Edmond Alphandéry. “Je ne peux faire aucun commentaire, je ne suis pas en mesure de commenter”, s’excuse le patron de la Banque Mondiale, Robert Zoellick. Le gouverneur de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, se refuse à toute réaction sur l’affaire proprement dite, mais déclare à la chaîne de télévision LCI qu’il faut “renforcer formidablement les contrôles internes” dans les banques.
“Je suis vraiment désolé, mais je ne peux vraiment rien dire, pardon, pardon”, implore Bader al-Saad, directeur du fonds souverain koweitien Kuwait Investment Authority (KIA), à qui l’on demande s’il compte renflouer la Société Générale: la banque a annoncé une augmentation de capital de 5,5 milliards d’euros pour les prochains jours. KIA, qui a annoncé mi-janvier avoir investi 5 milliards de dollars dans les banques américaines Citigroup et Merrill Lynch, apparaît comme l’un des chevaliers blancs de la finance mondiale depuis le début de la crise du crédit immobilier aux Etats-Unis. Un dirigeant financier explique sa discrétion par le fait qu’il se refuse à jeter la pierre à la Société Générale: “ça pourrait arriver à n’importe qui”, confie-t-il. La mésaventure de l’établissement “ne m’étonne absolument pas”, ajoute ce responsable, avertissant que “ce genre de catastrophe va se reproduire et pour des montants encore plus énormes”. “Le problème, c’est que les banques sont devenues des supermarchés: elles veulent faire tous les métiers à la fois, banque de détail, banque d’affaires, courtage, et les dirigeants ne comprennent pas ce qui se passe dans leurs salles de marché”, explique-t-il. Autrefois, les banques étaient spécialisées sur un métier de base et il était beaucoup plus facile de surveiller l’activité des employés, fait-il valoir. “La déréglementation a tout changé: elle a permis un développement considérable de l’activité bancaire, mais on en paie le prix aujourd’hui”, analyse le responsable. Pour arriver à contrôler efficacement les transactions, il faudrait selon lui des investissements gigantesques dont les banques n’ont pas les moyens. |
||||
|