Quand
on arrive à Alger et on s’installe à l’Aurassi qui domine la ville et la
baie –mais ne domine rien par la qualité de ses services ; mais c’est un
autre problème-, on comprend pourquoi tant de sang a coulé depuis plus de 50
ans dans cette merveilleuse ville cabrée et majestueuse et indomptable ; car
Alger c’est avant tout un mythe qui est devenu une grande ville aux artères
bien propres et aux contrôles permanents et répétitifs, et c’est une ville
compacte où plus de 5 millions d’habitants se serrent dans des immeubles de
tout âge et l’effort de construction ces dernières années est visible, et de
Hydra à la Moutonnière ; la ville n’est que viaducs, tunnels et routes en
lacets …….et on sent bien que la ville est tenue en main vu les rues propres
et bien nettoyées le soir …..
Et du coup, une question m’est venue à l esprit : après avoir vu cette ville
qui panse ses blessures si une ville peut ou doit avoir une âme ? Et comme
on part d’un aéroport vers un autre aéroport, quel est le degré
d’attachement même furtif que l’on peut avoir avec une ville où on atterrit
en tant qu’étranger et ce pour des durées de quelques jours dans des hôtels
de différents standings ? J’ai essayé de vous communiquer cette impression
pour un ensemble de villes que j’ai eu l’occasion de traverser :
– si on reste dans notre région après Alger qui panse ses blessures, on peut
aller à la royale Rabat ou tout est feutré et même la misère se vit en
silence, ensuite aller à Nouakchott, qui est devenue une capitale malgré
elle et où la mer poissonneuse ondule en même temps que les tôles du même
nom ;
– aller au Moyen-Orient et vous ne pouvez éviter Le Caire, Misr pour les
intimes, où s’entassent plus de 2 Tunisies et qui, de jour comme de nuit,
vit dans une insouciante détresse ; plus loin vous vous trouvez dans ces
villes champignons créées par le pétrole ou cette capitale crée près de
Petra par des Palestiniens dans le pétrin ;
– peut-on ne pas parler des villes occidentales et pour commencer Paris,
cette capitale dont on rêvait tout jeune et qui, euro aidant, est devenue
inabordable et stressée tous les jours un peu plus, heureusement qu’en
Europe on peut toujours aller rêver de notre glorieux passé en Andalousie et
à Grenade visiter le palais ou résonnent encore les voix de nos ancêtres.
Évidemment cette énumération peut se faire des heures et des heures. Je
dirai ce qui fait une âme d’une ville, c’est d’ abord le sourire de ses
habitants comme savent si bien le faire les Dakarois et ensuite la douceur
de vivre comme on peut l’être à Singapour ou à Bamako ; mais on sent qu’une
ville est triste quand elle est nerveusement stressée même si elle se trouve
perchée sur le Bosphore entre 2 continents comme quelqu’un entre 2 chaises
qui ne sait à quel saint se vouer ……