La Tunisie a intégré, depuis le premier janvier 2008), la zone de
libre-échange euro-méditerranéenne. Conséquence : les produits manufacturés
en provenance de l’Union européenne sont exonérés des droits de douane (0%).
Pour mieux comprendre cette nouvelle donne, deux ministres, MM. Afif Chelbi,
ministre de l’Industrie, de l’Energie et des PME, et Ridha Touiti, ministre
du Commerce et de l’Artisanat, ont tenu, lundi 28 janvier 2008, à Tunis, une
conférence de presse pour donner de plus amples éclairages sur la portée de
cet évènement.
Les deux ministres ont été unanimes pour relever que cette intégration a été
favorisée entre autres par l’apport des Investissements directs étrangers
(IDE). Ces investissements qui, en dépit de leur faiblesse en comparaison
avec les flux dont ont bénéficié les Pays d’Europe Centrale Orientale
(PECO), ont été un levier important dans l’accélération du processus de
développement de l’industrie tunisienne, durant la période du démantèlement
1995-2007.
Le volume des IDE industriels a été multiplié par plus de sept au cours des
12 ans de démantèlement, passant de 50 MDT en 1996 à 400 MDT en 2007.
Le nombre des implantations off shore européennes s’élève, actuellement, à
plus de 2.000 (entreprises) tandis que celui des entreprises créées en
Tunisie en partenariat avec l’Europe est passé d’une moyenne de 40 par an à
plus de 160 entreprises par an, au cours de ces dernières années.
Ces IDE ont permis, selon M. Touiti, de diversifier les exportations des
produits manufacturés tunisiens. Celles-ci, axées jusqu’à une récente date
sur le textile – habillement, sont assurées, aujourd’hui, en grande partie
par les industries mécaniques et électriques, cuir et chaussures, industries
agroalimentaires et autres branches…
Mieux, les perspectives s’annoncent bonnes. D’après M. Chelbi, deux facteurs
militent en faveur de cette approche optimiste. Il y a tout d’abord le
changement du positionnement stratégique de l’entreprise tunisienne (on
shore et off shore). Celle-ci est parvenue à préserver ses avantages
compétitifs en se conformant aux exigences du marché européen, à savoir
produits à forte valeur ajoutée et délais courts.
Vient ensuite la tendance des entreprises européennes à intensifier leurs
délocalisations à forte employabilité en raison de l’exacerbation de la
concurrence asiatique et l’augmentation des coûts de production dans les
pays asiatiques.
Il s’agit là d’une opportunité historique pour l’industrie tunisienne
appelée à attirer davantage d’IDE.
En témoigne, à titre indicatif, la décision prise, ces jours-ci, par le
groupe aéronautique français Latécoère, principal équipementier d’Airbus. Il
projette de créer une nouvelle usine en Tunisie. Ce point franc sera
spécialisé dans la fabrication des «pointes avant» des avions Airbus et
créera 1000 emplois -bien 1000 emplois-. Latécoère possède déjà deux usines
de câblage en Tunisie : l’une à La Charguia (Tunis), depuis 1995, et l’autre
à Zaghouan depuis 2006.
De telles tendances favorables ne doivent pas occulter en aucune manière le
peu de rendement de ces IDE pour le pays. Car si ces IDE ont créé de
précieux emplois, aidé une main-d’œuvre tunisienne à s’aguerrir aux
exigences de fabrication et de management modernes et favorisé, en prime,
l’intégration à la ZLE Euromed, ils demeurent concentrés, jusqu’ici, sur la
sous-traitance dont les revenus reviennent en grande partie aux maisons
mères européennes (80% et plus) et le reste (20%) aux sous-traitants locaux.
Loin de nous toute idée de minimiser l’exploit du pays d’avoir intégré dans
les temps la ZLE Euromed et l’effet d’annonce fort positif qu’elle va
engendrer pour l’industrie du pays, il est néanmoins permis d’avancer que
cette intégration ne doit pas être une fin en soi et qu’elle doit être
accompagnée par d’autres stratégies devant aider l’industrie locale, voire
le on shore à voler de ses propres ailes et à grignoter une part des marchés
qu’offre cette ZLE.
D’où l’enjeu de prévoir dans le cadre de l’étude stratégique sur l’industrie
tunisienne à l’horizon 2016 en cours d’élaboration, un plan pour améliorer
le taux d’intégration de l’industrie locale.
Il va de soi que la prise de conscience des autorités industrielles de
l’ensemble de ces insuffisances est très développée. En témoignent les
programmes arrêtés, depuis 2005, pour encourager les entreprises
industrielles à passer, sans heurt, du stade de la sous-traitance à ceux de
la co-traitance et du produit fini.
Pour le moment, on est loin du compte…. A méditer.
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