Société Générale : bataille de communication autour de l’affaire Kerviel

 
 
CPS.IBP73.060208154549.photo00.quicklook.default-245x163.jpg
Jérôme Kerviel et son avocate Elisabeth Meyer, le 5 février 2008 (Photo : Martin Bureau)

[06/02/2008 14:53:28] PARIS (AFP) Un trader mis en examen qui refuse d’être le “bouc émissaire”, une banque victime qui fait malgré tout l’objet de suspicions: chaque camp de l’affaire Jérôme Kerviel tente de faire valoir sa position à grand renfort de spécialistes en communication de crise.

Le jeune trader soupçonné de falsifications qui ont coûté 4,82 milliards d’euros à la banque est sorti mardi de son silence pour la première fois depuis la révélation de l’affaire, décidé à prendre pied sur un terrain jusque-là occupé par la partie adverse.

“Je ne serai pas le bouc-émissaire de la Société Générale”, a affirmé Jérôme Kerviel dans un entretien à l’AFP au cours d’une séance photo destinée à fournir aux médias une autre image que celle, déshumanisée, de son badge réglementaire qui a fait le tour de la planète.

En coulisses, un communicant, Christophe Reille, qui s’est mis au service du jeune trader et de son avocate.

“Il était urgent de mettre un terme à la chasse à l’homme des photographes et aux enchères ridicules qui ont donné lieu à tout un fantasme autour de la photo de Jérôme Kerviel. Il était également important de montrer à l’opinion publique qu’il ne se cachait pas, qu’il n’était pas en fuite et qu’il est en bonne santé”, résume M. Reille, ancien journaliste devenu spécialiste de “la communication sous contrainte judiciaire”.

Ce nouveau créneau de la communication de crise vise à faire valoir le point d’une personne ou d’une entreprise, mise en cause ou victime dans un dossier judiciaire médiatisé, dans les limites du secret de l’instruction.

Le parquet, représentant l’accusation, est pour la loi le seul habilité à s’exprimer sur le fond d’un dossier notamment pour “éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes.

“A un moment donné, il devient nécessaire d’intervenir pour répondre aux sollicitations de l’opinion publique”, plaide M. Reille qui est intervenu pour Noël Forgeard, ancien patron d’EADS, et Denis Gautier-Sauvagnac, ex-président de l’UIMM.

Certains dossiers judiciaires “véhiculent une très grande émotion qu’on ne peut satisfaire par une réponse sèche que donne la justice”, ajoute-t-il.

Selon des sources judiciaires, c’est notamment en raison de la pression médiatique qu’une enquête a été ouverte quelques heures seulement après la révélation de l’affaire.

Jérôme Kerviel est poursuivi par la justice. Or, “une personne mise en examen est présumée coupable”, déplore Christophe Reille, “l’opinion publique sait ce qu’est l’innocence mais pas la présomption (d’innocence, ndlr)”.

Dans cette affaire, il existait selon lui une “disproportion” entre les équipes de communicants sollicités par la banque et le trader, seul avec son avocate.

Pour faire face aux répercussions sur son image, la Société Générale a mobilisé son service de communication et fait appel à des prestataires extérieurs, dont le cabinet de relations publiques Image 7, l’agence Harrison & Wolf et un consultant indépendant, Jean de Belot, pour la France. Le cabinet Financial Dynamic a quant à lui été mandaté pour l’étranger.

Le but: expliquer que les pertes enregistrées par la banque sont dues à un seul homme et rassurer ses clients et les marchés sur sa capacité à surmonter la crise. Mais le message de la banque a eu pourtant du mal à passer, selon plusieurs spécialistes en communication.

Selon l’un d’eux s’exprimant sous couvert de l’anonymat, la banque a fait “l’erreur de +charger+ le trader, sans répondre à la question de l’inefficacité des systèmes de contrôle”.

 06/02/2008 14:53:28 – © 2008 AFP