Justin Lin à la Banque mondiale : un gage prudent donné aux pays émergents

 
 
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Justin Lin Yifu enseigne à l’université de Pékin

[07/02/2008 07:47:00] WASHINGTON (AFP) En confiant ses services de recherches à un économiste chinois, le président de la Banque mondiale Robert Zoellick a donné aux pays émergents un gage de sa volonté d’accroître leur poids dans l’institution, sans prendre de grands risques.

Justin Lin Yifu, fondateur et directeur du Centre de recherches économiques de l’Université de Pékin, a été nommé en début de semaine économiste en chef de l’institution, où il succèdera au Français François Bourguignon.

Il sera le premier économiste d’un pays en développement à occuper le poste, qui a eu des titulaires illustres comme Stanley Fischer, Lawrence Summers et le prix Nobel 2001 d’économie Joseph Stiglitz.

“D’une certaine façon, c’est un coup de génie de la part de Bob Zoellick”, estime Dennis de Tray, vice-président du Center for Global Development, une ONG de la capitale américaine spécialisée dans les questions de développement.

“Il a mis la main sur un bon économiste qui a une réputation internationale, et des lettres de créances solides”, et “en même temps, il envoie aux pays émergents un signal clair indiquant qu’il est sérieux quand il dit qu’il veut les faire monter à bord”, résume-t-il.

“Cela témoigne d’une plus grande ouverture de Zoellick pour que des pays émergents occupent des postes influents au sein de la Banque”, juge également Daniel Bradlow, professeur à la faculté de droit de l’American University de Washington.

Plus spécifiquement, “cela s’inscrit dans une offensive de charme à l’égard de la Chine”, souligne-t-il, faisant référence aux efforts engagés par l’ancien représentant américain au Commerce (USTR) pour convaincre Pékin de contribuer de façon plus collégiale au financement de l’aide aux pays les plus pauvres.

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Le président de la Banque mondiale Robert Zoellick participe au Forum de Davos (Suisse), le 25 janvier 2008 (Photo : Pierre Verdy)

La Chine, considérée comme la grande rivale des prêteurs multilatéraux, notamment en Afrique, fait partie, depuis décembre, des nouveaux pays contributeurs de l’Association internationale de développement (AID), l’organe de la BM qui prête à ces Etats.

Toutefois, cette nomination symbolique n’est pas tout à fait une première, nuance le spécialiste.

C’est la deuxième fois que M. Zoellick, arrivé début juillet, confie un poste à haute responsabilité à un représentant du Sud, après la nomination de l’ancienne ministre des Finances du Nigeria, Ngozi Okonjo-Iweala, comme directrice générale en charge des régions Afrique, Asie du Sud, Asie centrale et Europe.

Justin Lin n’est pas non plus le premier ressortissant chinois à obtenir un poste éminent à la Banque. Sous la présidence de James Wolfensohn, Shengman Zhang occupait, dans les faits, le poste de numéro deux, se souvient M. Bradlow.

Qui plus est, le chef économiste n’a pas de pouvoir exécutif, fait valoir Mark Weisbrot, co-directeur du Center for Economic and Policy Research (CEPR).

“Vous avez vu ce qui est arrivé lorsque Joseph Stiglitz, alors chef économiste, a essayé de faire avancer la Banque dans une direction un peu différente: ils se sont débarrassés de lui”, note-t-il en référence au départ tumultueux de celui qui n’était pas encore prix Nobel.

“Cela peut signifier que le programme de recherche de la Banque sera plus axé sur les préoccupations des pays émergents, par opposition aux pays plus pauvres”, concède M. Bradlow.

Mais, peu de bouleversements sont à attendre. Car, malgré ses origines et son parcours atypiques, Justin Lin, diplômé de la très orthodoxe université de Chicago, est le pur produit de l’idéologie libérale qui prévaut au sein des institutions de Bretton Woods, rappelle l’expert.

“L’économiste en chef de la Banque va à nouveau être un individu formé dans une université occidentale d’élite, et cela suggère probablement que ses opinions ne seront pas radicalement différentes de celles de ces prédécesseurs, et sans doute plus conservatrices que certaines”, conclut M. Bradlow.

 07/02/2008 07:47:00 – © 2008 AFP