Le séminaire consacré le 18 février au nucléaire civil, fait apparaître, en
filigrane, l’importance d’une ressource, dont la Tunisie s’est faite une
spécialité : le phosphate. La présence de certains hauts responsables du
Groupement Chimique Tunisien, au cours de cette réunion, n’était donc pas
fortuite. Selon un haut fonctionnaire de ce groupe industriel d’Etat, « au
niveau théorique, nous savons déjà extraire de l’uranium à partir de nos
ressources en phosphate. Reste à appliquer ces méthodes à un niveau
industriel. Mais avec la tournure que prennent les choses, avec notamment
des cours du pétrole qui s’envolent, et les prix de l’uranium globalement
croissants, la perspective est prise de plus en plus au sérieux.
L’extraction de l’uranium à partir du phosphate pourrait désormais être
rentable ». Lors de son allocution, l’ambassadeur canadien s’est empressé
d’ailleurs de préciser que « le Canada maîtrise plusieurs technologies dont
l’expertise nécessaire à l’extraction d’uranium à partir des phosphates ».
M. Ronald Denom, président de SNC-Lavalin International, a déclaré, lui, que
« les centrales nucléaires de l’Inde sont notamment alimentées par de
l’uranium issu de l’acide phosphorique », et donc du phosphate.
Or notre pays produit actuellement plus de 8 millions de tonnes de phosphate
marchand; ce qui le place au 5ème rang mondial des pays
producteurs. En terme de valorisation de cette matière première, la Tunisie
est classée en deuxième position au monde, selon le Groupement Chimique
Tunisien.
Autant d’éléments qui renforcent cette filière. Le grand public, lui,
méconnaît généralement l’évolution du prix de cette matière stratégique
qu’est l’uranium. Contrairement au pétrole, à l’or, et à d’autres ressources
minérales, l’uranium ne s’échange pas sur la place boursière. Or selon Ux
Consulting, l’un des très rares bureaux d’analyse spécialisés sur le marché
de l’uranium, les cours de cette matière première se sont littéralement
envolés durant la dernière décennie. Ils sont ainsi passés de 9,50 dollars
la livre fin 2002 à 36,25 dollars fin 2005 puis 60 dollars à la fin de
l’année 2006, puis 113 dollars en 2007. Les cours ont, à l’heure actuelle,
baissé pour atteindre les 75 dollars la livre, mais sur le long terme, la
tendance est clairement haussière. Selon certaines sources, pour
l’année1980, 12% de l’uranium utilisé dans le monde provenait du traitement
des phosphates. Alors qu’à l’époque, le cours de l’uranium plafonnait à 17
dollars la livre.
La filière du phosphate s’annonce donc clairement intéressante. Le ministre
de l’Industrie, de l’Energie et des PME, M. Afif Chelbi, avait déjà annoncé,
le 11 décembre 2007, à l’occasion des délibérations budgétaires pour
l’exercice 2008, «la possibilité de mener une étude sur l’extraction
d’uranium à partir du phosphate». En mai 2007, c’est un journal américain,
le « Herald Tribune », qui parlait déjà de la rentabilité de l’extraction de
l’uranium à partir du phosphate. Cela dit, les cours de l’uranium étant
étroitement liés au contexte politique et économique de la planète, sont
particulièrement fluctuants. Mais a priori les perspectives sont plus
qu’intéressantes pour notre pays.
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