«Ça nous prendra combien de temps ?». Pour le rassurer, je parle d’une
petite dizaine de minutes. «Ah d’accord, j’ai prévu 15 minutes, c’est bon».
Il a prévu 15 minutes ! Guère davantage. Il est de ces hommes pour qui la
petite minute, selon qu’elle a été utilisée à bon escient ou dilapidée, est
comptabilisée au chapitre des pertes et profits exceptionnels. En
l’occurrence, c’est notre visite qui a probablement été affectée au registre
des pertes exceptionnelles. Il est à ce point regardant sur le temps que, à
l’étroit dans une journée de 24 heures, il aurait tant souhaité une journée
de 48 heures. D’ailleurs, invité à parler plutôt de sa personne que de son
entreprise, il mettra 14 minutes 46 secondes à parler de Discovery et moins
de 12 secondes de lui-même. Ce n’est pas seulement de la discrétion ou de la
timidité, mais il est ainsi des hommes qui se confondent avec leurs propres
créations, qui s’écartent volontiers pour leur céder le devant de la scène.
Discovery !… L’entreprise a pris une telle ampleur que son propre
fondateur est devenu l’un de ses serviteurs. Les autres, c’est une centaine
de cadres dont 80 à Tunis. Toute action fait l’objet d’une réunion de
dialogue et de concertation. Lui, le patron, ne dicte rien, ne donne point
d’ordre. Mais inspire la méthode à suivre et le travail à faire par une
série de questions-suggestions. De sorte qu’il pousse subtilement vers la
solution idoine sans avoir à la dicter. C’est ce qu’on pourrait appeler la
maïeutique informatique –si ça vous rappelle Socrates-, l’entreprise ayant
l’informatique pour base de travail.
Discovery est créée en 1995 avec pour vocation l’infogérance. Et trois
années plus tard, elle introduira le concept des solutions intégrées ERP qui
en fera un leader en la matière en Tunisie –puis à l’étranger. En gros, le
groupe est spécialisé dans la gestion d’entreprise, les solutions bancaires,
et le développement off-shore. Ce qui, à l’appui d’une assise financière
importante (Groupe Bouricha, Tunisie Invest…), lui permettra d’étendre
progressivement ses activités en Algérie, au Maroc et en Europe
(principalement la France et la Belgique). En cette année 2008, c’est
l’Afrique francophone où compte opérer le groupe. Sans compter un contrat en
cours de finalisation avec l’Algérie et portant sur un projet de grande
envergure qui ambitionne d’être un modèle de partenariat Maghreb-Maghreb.
De par la compétence de ses cadres, mais aussi les certifications qui lui
sont reconnues (ISO 9001, JAVA et Microsoft Certified Partner), Discovery a
peu à peu garni son portefeuille références de noms pour le moins
prestigieux, tels que Poulina, le groupe Chaïbi, Henkel, Air Liquide, Danone
Algérie, Valeo, des industries agroalimentaires, pharmaceutiques,
automobiles, énergétiques, Télécoms et autres en Tunisie comme au Maghreb,
mais aussi Solware, Prodware, Promo Inter France, Sopra, Car Systems ou
encore Altran Frontec en France comme en Belgique et au Danemark.
Et voici les 12 secondes restantes. M. Kaïs Sellami est né en 1965 à Sfax.
Après le bac, il fait partie des tout premiers lauréats à être destinés par
le gouvernement tunisien aux grandes écoles françaises, l’Ecole Centrale de
Paris pour ce qui le concerne. Il la quitte en 1988 pour exercer ses
premières fonctions à CAP SESA, un groupe leader en France et en Europe dans
le domaine des services et l’ingénierie informatique. Nous sommes en 1990
lorsqu’un noyau de cinq personnes (dont Sellami) est invité à préparer la
mise en place d’un centre de développement d’Alcatel en Tunisie. Et en 1991,
il intègre Alcatel Tunisie pour près de cinq ans.
On connaît la suite : la création de Discovery en 1995 qui va lui phagocyter
tout son temps. Pour autant, ce meilleur jeune entrepreneur élu en 2005 par
notre confrère L’Expert, est tout de même le président de la Chambre
syndicale SSII de l’UTICA qu’il a (re) baptisée Infotica.
M. Kaïs Sellami est père de deux enfants. Pour lesquels, le soir, il accorde
30 minutes. Guère davantage. Mais cela, au moins, sera porté au compte des
bénéfices à long terme de la famille Sellami.