Caisses de retraite : le salut par l’assurance vie

Les Assurances Hayet ont organisé vendredi dernier une importante conférence
sur le thème « Problématique de la retraite et Assurance vie » et à laquelle
ont pris part de hauts responsables du ministère des Finances et nombre
d’assureurs en vue de débattre de la situation où se trouvent actuellement
les deux Caisses de retraite, la CNRPS et la CNSS. En fait, depuis quelque
temps déjà, une certaine rumeur a beaucoup fait parler d’elle, faisant dire
à beaucoup que probablement les pouvoirs publics seraient en passe de
décider la prolongation de la durée de travail (au-delà de 60 ans) ou de
réduire du montant de la pension de retraite. A l’évidence, il y a donc un
problème que les Assurances Hayet ont entrepris de jeter sur la table des
débats.

 

Si paradoxal que cela puisse paraître, ce problème, que vivent du reste les
sociétés modernes, dont la Tunisie, est né d’une petite somme de facteurs
favorables mais qui, à la longue, ont pesé lourdement sur les possibilités
financières des Caisses en question. L’on cite, pour l’essentiel, quatre
facteurs principaux : l’espérance de vie à la naissance qui est passée de 51
ans en 1966 à 74 ans en 2006 ; l’écart du nombre des personnes actives par
rapport à celui des retraités (les 60 ans et plus étaient de l’ordre de 9,5
% en 2004, mais seront portés à 17,7 % à l’horizon 2029) ; le nombre des
assurés sociaux en activité qui est passé de 900 mille en 1987 à 2 millions
et demi en 2006 ; et ce que les professionnels qualifient de ‘‘générosité’’
des Caisses.

 

Les bénéficiaires des pensions de retraite étaient au nombre de 179 mille en
1987 et ont atteint les 653 mille en 2006 (privé : 437 mille, public : 216
mille). Quant à l’enveloppe des prestations octroyées par les caisses, elle
a été multipliée par plus de neuf fois, passant de 286 MD en 1987 à 2 726,3
MD en 2006. Quant au rapport actifs-retraités, il était de 6,6 pour un
retraité en 1987 et a été ramené à 4,6 en 2006, soit un rapport qui va
encore élargir le fossé entre personnes actives et personnes à la retraite.

 

Etant donné que la couverture sociale a avoisiné les 92 % en 2007, la
générosité des caisses sociales s’est ainsi exprimée : alors que dans les
pays de l’OCDE, la retraite à taux plein exige une cotisation sur plus de 40
ans avec un taux de remplacement ne dépassant pas les 70 %, en Tunisie le
taux est de 80 % pour une cotisation sur 30 ans (dans le privé) mais 90 %
sur 40 ans de service (dans le public). En outre, la mise à la retraite
avant l’âge légal de 60 ans s’est assez généralisée pour atteindre, en 2006,
50 % dans le public et près de 27 % dans le privé (taux calculés sur le
total des départs à la retraite). De surcroît, dans le public, des années de
bonification continuent de profiter à certaines catégories admises à la
retraite avant l’âge légal.

 

Aussi, le constat fait par l’un des responsables du ministère des Finances
est-il plus que clair : « L’évolution prévisible en Tunisie du taux de
dépendance (rapport population retraitée-population active) entraînera une
amplification des besoins de financement dans les prochaines années, pouvant
mettre en cause la pérennité même de notre système de retraite ».

 

Devant une telle situation dont vont plus tard souffrir les générations
actuelles des 30-40 ans, la souscription à une assurance vie, qui vise la
complémentarité, s’avère l’unique solution possible pour une retraite
meilleure. C’est déjà fait depuis quelques années grâce à certaines réformes
et incitations tendant à développer l’assurance vie, et qui ont fait que
cette branche a évolué, en 2006, de 23,3 % par rapport à 2005 (et seulement
11 % pour tout le secteur). Seulement, comme le souligne Mme Lamia Ben
Mahmoud, directrice des assurances au ministère des Finances, les dépenses
effectuées par habitant ne dépassent pas 7,8 dinars, cependant que la
moyenne mondiale est estimée à 397 dinars (elle est de 45 dinars dans les
pays africains). La directrice explique ainsi le faible développement de
l’assurance vie. D’abord « l’importance de la globalité et de la générosité
des régimes de sécurité sociale en Tunisie », un fait tranquillisant qui
n’incite pas à recourir à des couvertures complémentaires. Avec une
couverture de plus de 90 % de la population, et des prestations oscillant
entre 80 et 90 % du dernier salaire, on ne se soucie plus des autres
couvertures qui semblent revêtir le caractère d’un luxe. Ensuite, «
l’absence d’une sensibilisation continue sur l’importance et le rôle de
l’assurance vie » qui freine le développement de cette branche. Et la
directrice de rappeler que l’assurance vie a régulièrement, de la loi de
finances 1997 à celle de 2008, joui d’une somme d’incitations fiscales ayant
abouti à la défiscaliser entièrement (défiscalisation accordée pour les
contrats souscrits individuellement comme pour les contrats établis
collectivement).


M.B.