C’est dans un contexte énergétique très préoccupant, marqué par
l’augmentation vertigineuse du prix du pétrole, que s’est déroulée la
journée de sensibilisation sur les énergies renouvelables, le 6 mars 2008 à
Sousse, portant sur «les biocarburants en Tunisie : innovations et
perspectives».
Ce séminaire, organisé par la Chambre de commerce et d’industrie du centre,
avec la participation de l’université de Sousse, l’Institut supérieur
agronomique de Chott Meriem et de l’Agence nationale de maîtrise de
l’énergie (ANME), a attiré l’attention de plusieurs industriels
représentants d’organismes étatiques, d’investisseurs tunisiens et étrangers
ainsi que de plusieurs universitaires…
Ainsi, l’intervention de M. Amor Ounalli, directeur des énergies
renouvelables à l’ANME, a donné un aperçu de la situation énergétique
actuelle en Tunisie en mettant l’accent sur le déficit en ressources
pétrolières qui ne fait qu’augmenter depuis les années 2000. Et de rappeler,
de ce fait, les principales orientations du Programme national en matière
d’énergie, à savoir :
– développement des ressources nationales d’hydrocarbures avec une
orientation de la consommation vers des produits énergétiques les moins
coûteux et en prenant en considération les programmes de l’utilisation
rationnelle de l’énergie ;
– promotion des énergies renouvelables et leur généralisation;
– renforcement de la sensibilisation pour la maîtrise de l’énergie.
Concernant les énergies renouvelables, M. Ounalli a rappelé que celles-ci
représentent actuellement moins de 0,5% de la consommation d’énergie
primaire en Tunisie et que le potentiel de valorisation de ces énergies peut
augmenter à 19 Mtep à l’horizon 2030, soit une fraction de 6, 5% de la
consommation d’énergie. L’accent est mis sur les énergies éolienne, solaire
thermique et photovoltaïque ainsi que sur l’utilisation de la biomasse.
Pour sa part, M. Mongi Seffen, professeur universitaire à l’Institut
supérieur agronomique de Chott Meriem et directeur de l’unité de recherches
chimie appliquée et environnement à l’école préparatoire aux académies
militaires de Sousse, a fait une communication sur «l’innovation tunisienne
en matière de biocarburants».
Le Pr a indiqué que les biocarburants sont des carburants d’origine végétale
issus de la biomasse. On les produit à partir de végétaux ou de plantes
cultivés dans ce but, ou de déchets organiques. Ils possèdent des propriétés
proches de celles de certains dérivés du pétrole et peuvent parfois
s’employer directement dans des moteurs diesel ou des moteurs à essence ;
ils se substituent partiellement ou totalement (ex: avec les HVP, la
terminologie européenne est «huile végétale pure») aux carburants
pétroliers, notamment pour faire rouler les véhicules équipés d’un moteur «Flex
Fuel» (ou « polycarburant»).
Aujourd’hui les principaux biocarburants, en termes de production, sont le
méthane, le bioéthanol et le biodiesel. Ils sont produits au Brésil aux
Etats-Unis et en Europe à partir de canne à sucre, betteraves, blé, maïs,
huile de colza, huile de tournesol, etc.
Un des avantages des biocarburants est de réduire les émissions de gaz à
effet de serre par rapport aux carburants conventionnels de 15 à 90 % avec
les biocarburants purs utilisés.
L’utilisation des biocarburants permet aussi de réduire les émissions de
certains polluants locaux (SO2, NOx).
Il reste que la production de biocarburants peut aussi s’avérer non
«écologique» ou non durable, si les matières premières sont produites grâce
à une agriculture intensive qui entraîne un épuisement des nappes
phréatiques et la pollution des eaux par l’usage d’engrais et pesticides.
D’autre part, et c’est le principal inconvénient de ces biocarburants dits
de première génération, c’est qu’ils font concurrence à l’alimentation d’où
l’augmentation du prix des produits alimentaires de première nécessité tel
que le blé, l’orge et le maïs.
Tenant compte de ces inconvénients et dans le cadre de la valorisation des
produits naturels tunisiens, l’équipe de chercheurs du professeur Seffen
s’est attelée et réussi à extraire du bioéthanol à partir de végétaux
ligniocellulosiques tunisiens tels que l’Agave Americana, les raquettes de
figuier de barbarie nécessitant peu d’eau et pas du tout d’engrais ni de
pesticides pour leur croissance. Dans d’autres cas, il s’agit de déchets
tels que les pelotes de Posidonia Oceanica (végétal marin) que l’on trouve
rejetés sur les plages ou un sous-produits de l’industrie oléicole : les
grignons d’olive.
Ces matières premières de nature lignocellulosiques et bien d’autres sont
abondants dans les pays semi arides et en voie de développement comme la
Tunisie ; ils constituent une source d’énergie renouvelable.
Le procédé déjà breveté par l’unité de recherches permet d’obtenir jusqu’à
16% de bioéthanol par rapport à la masse de la biomasse. Le passage à
l’échelle industrielle de ce procédé doit se faire par des essais pilotes.
La réussite d’un tel procédé pourrait générer une activité économique
intense ainsi que la création d’emploi notamment dans le sud tunisien.
Enfin, il convient de noter que le Professeur Seffen est l’auteur de six
brevets (trois en France Elf Aquitaine) dont celui de la Société tunisienne
de lubrifiants ‘’Sotulub’’ qui est appliqué depuis 1990 et dont la licence a
été vendue à plusieurs pays.
Jatropha Curcas : L’or Vert du désert
C’est l’arbre le plus convoité actuellement pour la possibilité de
l’utilisation de l’huile extraite de ses fruits, dans les moteurs diesel.
M. Reinard Henning, expert international en Jatropha, a parlé des
expériences de plantations de cet arbre dans plusieurs pays tels que : la
Chine, l’inde, le Brésil, l’Argentine, l’Afrique du Sud, le Ghana, le Togo,
le Malawi, la Zambie, la Tanzanie, l’Égypte, et notamment au Mali où il a
monté un projet avec le concours de GTZ.
«Jatropha Curcas est acclamé comme une récolte prometteuse de biocarburants
idéale pour convertir les terres improductives d’aujourd’hui en gisements de
pétrole verts de demain».
C’est un arbre révolutionnaire qui pourrait fournir, à un prix imbattable,
un carburant respectueux de l’environnement. En outre cette plante exige peu
de nutriments, fournit de l’ombre, protège le sol de l’érosion et
l’engraisse par la chute annuelle de ses feuilles.
Enfin, M. Hafeth Ben Mansour, assistant à l’université de Hannover et
directeur de l’ONG «Rena: Renaturierung der Wüste» (renaturer le désert), a
montré comment il a réussi à planter la Jatropha Curcas en Tunisie dans la
région de Douz avec succès.
Les conférenciers ayant pris part à ce séminaire de sensibilisation ont
appelé à la création d’un centre national de recherches sur les plantes
oléagineuses et la valorisation des végétaux ligniocellulosiques. Il serait
installé au sein de l’institut supérieur agronomique de Chott Meriem, et
aurait pour objectifs de mettre en œuvre la production de bioéthanol et
d’assister les investisseurs en matière de plantes oléagineuses.
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