Les Tunisiennes sont libérées grâce au (manque) de pétrole !

Les Tunisiennes sont libérées grâce au (manque) de pétrole !

Par Oualid CHINE

Si les femmes tunisiennes jouissent d’autant de liberté en Tunisie, c’est
parce qu’on n’a pas de pétrole (ou si peu). Exit, Tahar Haddad, Habib
Bourguiba, et notre audacieux Code du Statut Personnel. L’égalité
homme-femme est essentiellement une question d’ordre «énergétique», et donc
strictement économique. C’est en peu de mots, ce que nous révèle un article
publié le 10 mars, dans le très sérieux quotidien américain le «Washington
Post», qui cite nommément notre pays.

 

A contrario, dans les pays arabes richement dotés par la nature, l’or noir a
largement contribué à enfermer la gent féminine dans les carcans de la
tradition. Les motifs d’ordre religieux, les racines culturelles ? Des
«épiphénomènes, en aucun cas déterminants. Pour ainsi dire des peccadilles.
Le pétrole (ou son manque) reste le carburant fondamental du moteur de
l’évolution sociale. Et l’article ne lance pas ces propos, aussi
iconoclastes paraissent-ils, dans l’air. Le pétrole consume bel et bien les
velléités libératrices des femmes du Golfe. Le journaliste, Shankar Vedantam,
qui ne fait pas dans la dentelle, s’est basé, dans son analyse, sur une
étude du politologue Michael Ross, relayée par l’american Political Science
Review, une revue de référence, pour les décideurs de Washington.

 

Le chercheur a dressé des comparaisons entre des pays musulmans comme la
Tunisie, le Maroc, et l’Algérie. Et il a constaté que les deux premiers
Etats, sans ressources pétrolifères notables ont des pourcentages beaucoup
plus élevés de femmes parlementaires que l’Algérie, qui est dotée
d’importantes ressources minérales. Coïncidence ? Michael Ross pousse plus
loin l’analyse. L’industrie textile a longtemps constitué le point d’entrée
dans le monde du travail pour des millions de femmes pauvres à travers le
monde. Et le salaire des femmes a longtemps été considéré comme un revenu
familial d’appoint bienvenu, dans une situation économique difficile. Or
c’est cette entrée, même par la petite porte, dans le monde du travail, qui
entraînera une prise de conscience politique et sociale. Le travail des
femmes a donc été un puissant levier pour briser les carcans des traditions
patriarcales. Or les pays pétroliers n’ont pas dû passer par ce stade. Pis :
Ross a montré que quand les profits pétroliers s’envolent, le nombre de
femmes dans la population active diminue invariablement au cours de l’année
suivante. Ainsi, pour chaque 1280 $ supplémentaires engendrés par les
revenus pétroliers, le nombre de femmes aux postes clés diminue de 2%. Les
femmes n’ayant plus accès au marché de l’emploi, se rabattrai donc sur le
marché… matrimonial, qui valorise, plutôt, les comportements
«conservateurs».

 

Mais l’analyse ne se limite pas aux pays musulmans. Elle serait même
valable, selon Ross, pour des pays aussi divers que la Russie, le Chili, le
Nigeria, ou le Botswana. Les autres richesses minérales ayant la même
influence que le pétrole sur les sociétés.

 

Alors, le pétrole serait-il une malédiction pour le monde arabe ? Du point
de vue des femmes, en tout cas, la réponse est claire !