Gaz : la Russie et l’Ukraine font la paix, mais pour combien de temps ?

 
 
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Un employé manipule une vanne de gaz à Donetsk, le 5 mars 2008 (Photo : Alexander Khudoteply)

[13/03/2008 14:59:37] MOSCOU (AFP) La Russie et l’Ukraine ont annoncé jeudi la signature d’un accord censé venir à bout du conflit gazier qui les divise depuis des semaines, mais des zones d’ombre dans ce règlement laissent la porte ouverte à de prochaines crises.

Le texte, dénommé “accord sur le développement (des) relations dans le domaine du gaz”, a été signé par les groupes russe Gazprom et ukrainien Naftogaz.

Sauf nouveau rebondissement, l’accord devrait apaiser les vives tensions apparues début février, et qui avaient culminé la semaine dernière par une réduction de moitié des livraisons de gaz par la Russie à l’Ukraine, au grand dam des Européens situés en bout de gazoduc.

L’accord, tel que présenté par Gazprom, aborde tous les points de contentieux, soit la dette gazière de l’Ukraine pour le gaz russe reçu en janvier-février, le prix du gaz en 2008 et surtout le futur schéma de livraison du gaz à l’Ukraine, que celle-ci exige de simplifier considérablement.

Russes et Ukrainiens ont fixé le prix des livraisons pour 2008, que Naftogaz pourra désormais acquérir sans intermédiaire, ainsi que les conditions de paiement des volumes supplémentaires consommés par l’Ukraine en janvier-février, qui étaient au coeur du différend.

Enfin, Gazprom est admis sur le marché industriel ukrainien à qui il fournira directement du gaz russe à partir d’avril.

Ce que l’accord ne fixe pas en revanche, c’est ce qui va se passer une fois l’année 2008 achevée.

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Le Premier ministre ukrainien Ioulia Timochenko, le 5 mars 2008 à Kiev (Photo : Sergei Supinsky)

La mise en oeuvre de cet accord demeure en outre tributaire des orages politiques en Ukraine entre le Premier ministre Ioulia Timochenko et le président Viktor Iouchtchenko.

Ce dernier, réagissant jeudi lors d’un déplacement à Bruxelles, a d’ailleurs laissé entendre que certains points demeuraient en suspens. “Globalement, je suis d’accord avec l’arrangement”, a-t-il dit, avant d’ajouter que “le nouveau prix pour 2008, estimé à 321 dollars”, n’avait pas fait l’objet d’un accord entre lui et le président russe Vladimir Poutine.

A Kiev, ses services ont indiqué que Mme Timochenko et le chef de Naftogaz devraient s’expliquer devant lui sur l’accord gazier conclu avec Gazprom.

Pavel Kouchnir, analyste de la Deutsche Bank à Moscou, souligne que même si l’accord survit aux guerres intestines en Ukraine, le potentiel de crise entre la Russie et l’Ukraine est loin d’être épuisé.

“Il est vraiment difficile de croire que c’est la fin des hostilités étant donné qu’il y a quelques jours, Gazprom est tombé d’accord avec le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan pour leur acheter du gaz sur la base des prix européens”, c’est-à-dire en nette augmentation par rapport à leur niveau actuel, à partir de 2009, note-t-il.

L’Ukraine est en première ligne dans ce dossier, car l’essentiel du gaz qu’elle importe provient de ces pays en transitant par les gazoducs de Gazprom.

Selon l’analyste, cette hausse de prix n’aurait sans doute guère d’effet sur Gazprom, mais elle aurait “un impact très important, presque dévastateur sur l’Ukraine”, qui risquerait de devoir payer son gaz “plus de 250 dollars” les 1.000 mètres cubes, contre 179,5 dollars actuellement.

“Donc si on n’assiste pas à de nouvelles querelles au cours des prochains mois, on risque de voir arriver une nouvelle vague de conflits liés aux prix à mesure qu’on s’approchera de l’échéance de 2009”, estime-t-il.

Enfin, la question des intermédiaires est toujours sujette à caution, car même si les groupes controversés RosUkrEnergo et UkrGazEnergo sont écartés, il “n’est pas du tout clair” d’après les données publiées jeudi que de nouveaux entremetteurs ne vont pas surgir, prévient-il.

 13/03/2008 14:59:37 – © 2008 AFP