Bear Stearns : le marché entrevoit d’autres scénarios que celui de JP Morgan
Le siège de la banque JPMorgan Chase à New York le 17 mars 2008 (Photo : Don Emmert)
[19/03/2008 20:31:21] NEW YORK (AFP)
Promise
à un rachat pour une bouchée de pain par JPMorgan,
la banque américaine Bear Stearns a vu son cours
progresser régulièrement depuis lundi, porté
par l’éventualité d’offres concurrentes et d’une
rébellion d’actionnaires mécontents des conditions
de sa reprise.
Alors que l’offre de JPMorgan valorise l’action Bear Stearns
à deux dollars, le titre de la banque d’affaires
voisinait mercredi le triple de ce prix.
Selon le Financial Times, l’un des principaux actionnaires de
Bear Stearns, l’investisseur Joseph Lewis (groupe
Tavistock), s’apprêterait à voter contre la
proposition de JPMorgan, de même que nombre
d’actionnaires salariés.
M. Lewis détiendrait environ 9% du capital et serait
susceptible de perdre plus d’un milliard de dollars si la
transaction aboutissait. Les salariés
contrôleraient eux, au total, environ un tiers des
actions de Bear Stearns.
JPMorgan s’est engagé à convoquer une
assemblée générale extraordinaire pour faire
ratifier l’opération “aussi rapidement que
possible”, mais n’a pas encore communiqué de date.
Selon le New York Post, qui cite mercredi des sources proches
du dossier, M. Lewis et le président du conseil
d’administration de Bear Stearns, James Cayne, qui
détient lui-même environ 4% du capital, se
seraient mis en quête d’un autre acheteur.
D’après le quotidien, ils auraient contacté en ce
sens plusieurs fonds d’investissements et des banques, dont
Barclays, HSBC, Crédit Suisse et Royal Bank of Scotland.
Mais si les spéculations soutiennent le cours de Bear
Stearns, les analystes s’interrogent sur l’éventuelle
émergence d’une contre-offre, l’accord prévoyant
la possibilité du désengagement de la banque
vis-à-vis de JPMorgan en cas d’offre supérieure.
Les présentations de résultats des banques
américaines Lehman Brothers et Morgan Stanley, mardi et
mercredi, ont montré que tous les établissements
ont retenu la leçon enseignée involontairement par
Bear Stearns.
La plupart souhaitent conserver un niveau élevé de
liquidités et de capitaux propres pour faire face en
cas de coup dur. Une stratégie incompatible à
court terme avec le rachat d’une banque, JPMorgan ayant
évoqué des coûts associés de six
milliards de dollars.
En outre, Bear Stearns affiche encore une exposition de 33
milliards de dollars à l’immobilier américain,
selon les chiffres communiqués au moment de l’annonce.
“Je pense qu’il s’agit essentiellement de rumeurs et
qu’il n’y aura pas d’autre offre”, a indiqué à
l’AFP un analyste sous couvert d’anonymat.
Un nouveau candidat au rachat prendrait également le
risque d’indisposer la Réserve fédérale
américaine (Fed), qui a piloté avec
l’administration Bush le sauvetage de Bear Stearns et son
rachat par JPMorgan.
Sans bénéficier de l’appui de la banque de
Réserve fédérale de New York, qui s’est
engagée à prêter jusqu’à 30 milliards de
dollars à Bear Stearns via JPMorgan,
l’attractivité de la transaction serait nettement moindre.
Bear Stearns “n’a jamais été sur notre
radar” a ainsi commenté mardi le directeur
financier de Goldman Sachs, David Viniar, lors de la
présentation des résultats de la banque.
“Au final, les actionnaires réaliseront qu’aucun
autre établissement ne se manifestera et ils voteront
en faveur du rachat” par JPMorgan, a estimé l’analyste.
Car en l’absence d’un autre acheteur potentiel, Bear Stearns
ne pourrait plus échapper à JPMorgan, à moins
de courir le risque de se retrouver à nouveau en
situation d’insolvabilité et de mener à une
nouvelle intervention de la Fed.