Les CDD à répétition à la Poste, régulièrement condamnés par la justice
Le siège du groupe La Poste à Paris (Photo : Joel Saget)
[20/03/2008 13:47:27] PARIS (AFP)
Soixante-six
CDD en six ans pour une factrice, 117 et même 574 pour
des guichetières: la Poste a été plusieurs
fois condamnée pour l’embauche de salariés sur des
CDD à répétition, une situation qu’elle dit
révolue, mais qui reste le cheval de bataille de
plusieurs syndicats.
Mercredi, la CGT a envoyé un huissier à la
direction de La Poste d’Albi pour obtenir le paiement de
200.000 euros que celle-ci doit verser à sept postiers
qui avaient multiplié des CDD (contrats à
durée déterminée), suite à une
décision du conseil des prud’hommes en février.
Des condamnations similaires ont été
prononcées ces derniers mois à Saint-Nazaire,
Figeac (Tarn) et Quimper. Et d’autres dossiers sont en
attente dans la Creuse, la Haute-Vienne, le Cantal,
l’Arriège et le Lot, selon Sud-PTT et la CGT.
Le record de CDD est détenu par une guichetière qui
en a cumulé 574, à Albi, où plus d’une
cinquantaine de cas ont été jugés en deux ans.
Parmi eux, Odile Guibert a obtenu 66.000 euros pour 247 CDD
en 16 ans, et la requalification de ses contrats en CDI
(contrat à durée indéterminée).
D’abord employée par La Poste comme femme de
ménage, puis au tri, au guichet et enfin comme factrice
jusqu’en 2006, elle a eu des contrats d’une journée,
une semaine ou un mois, qu’elle ne refusait jamais, par
crainte “de ne plus être rappelée”.
“Je ne pouvais jamais prendre de vacances”, explique
cette femme de 52 ans, qui espérait voir un jour son
travail “reconnu” par un CDI. Mais au final,
“c’est un jeune qui a été embauché en
CDI, avec des intérimaires”.
Pour Thomas Barba, délégué CGT à Albi et
spécialiste de ces dossiers, il faut “attaquer la
Poste au niveau de l’image et du portefeuille”.
Selon lui, le groupe postal a pendant une quinzaine
d’années “choisi une gestion par le risque,
embauchant des salariés en contrats précaires par
dizaines de milliers, même illégalement, en se
disant que seulement une minorité irait jusqu’au procès”.
La Poste reconnaît qu'”à une époque, face
à des pointes d’activité saisonnières ou
quand des personnes étaient absentes, des managers
locaux ont eu recours à des CDD en dépannage”.
Mais les dossiers en justice sont “des cas anciens”,
assure-t-elle, car “à partir de 2003”, une
politique de “déprécarisation de l’emploi”
a été mise en place, privilégiant le travail
en équipe et le remplacement des absents par des
titulaires. Ainsi, au service du courrier, “20% du
personnel est payé à remplacer les autres”.
En novembre 2004, un accord syndicats-direction a conclu
à “la transformation progressive de CDD en CDI”
au sein du service courrier, explique la Poste, qui
“transformé 11.000 CDD en CDI entre 2004 et 2006”.
Au final, le groupe a réduit le nombre de CDD de 56% en
quatre ans, de 28.468 fin 2003 à 12.603 fin 2007 (sur
un effectif de près de 290.000 salariés).
La CGT parle d’une “grande bataille gagnée”,
mais souligne que les procédures judiciaires se
poursuivent, notamment pour ceux qui sont désormais en
CDI mais dont l’ancienneté en CDD n’est pas prise en compte.
De plus chaque affaire médiatisée provoque un
afflux de demandes. “Les gens découvrent par hasard
qu’ils ont été lésés, parfois après
avoir quitté l’entreprise”, souligne Régis
Blanchot (Sud-PTT).
Pour lui, “le contentieux va aussi se développer
vers les intérimaires, que la Poste recrute de plus en
plus”. Mais la direction affirme n’en employer que 1% en 2007.
Il y a aussi beaucoup d’arrangements à l’amiable, pour
éviter d’aller en justice, souligne Daniel Chevée
(FO). Mais “l’emploi précaire existe toujours,
comme dans la branche colis, qui fait beaucoup appel à
la sous-traitance”, souligne-t-il.