Le “Monsieur internet” de l’Elysée provoque des remous dans la blogosphère
Nicolas Sarkozy, le 10 février 2007 (Photo : Dominique Faget)
[20/03/2008 18:04:48] PARIS (AFP)
La
blogosphère est en ébullition depuis la nomination
à l’Elysée d’un chargé de mission sur
internet, qui fait l’objet d’un véritable
“buzz”, de nombreux internautes craignant une
volonté de “surveiller” tout ce qui circule sur
le web concernant Nicolas Sarkozy.
Nicolas Princen, jeune militant UMP de 24 ans, a
été nommé lundi “chargé de mission
au service internet”, auprès de Franck Louvrier,
conseiller pour la presse et la communication, indique-t-on
à l’Elysée.
Il sera “en charge de la veille de ce qui circule sur la
toile au sujet du président de la République:
blogs, sites d’information, vidéos… Comme on peut
faire pour une revue de presse des médias
traditionnels”, explique-t-on.
Diplômé d’HEC et de l’Ecole normale
supérieure, Nicolas Princen avait travaillé pour
le site internet de la campagne du candidat Sarkozy. Depuis
son élection, il avait intégré le
porte-parolat de l’Elysée.
Si la présidence de la République se défend de
vouloir surveiller le web, l’arrivée de ce
“Monsieur internet” a aussitôt crée un
“buzz” sur la toile, où elle fait beaucoup
parler, plutôt en négatif.
“Ironie du sort, Nicolas Princen est chargé de
surveiller les +buzz+ autour de Sarkozy et il se retrouve
lui-même au centre du buzz”, relève Olivier
Monnot, responsable éditorial de blogonautes.fr, qui
traite de l’actualité de la blogosphère.
“L’oeil de Sarkozy sur le net”, “KGB Web”,
“le petit flic de Sarkozy”, “Big Brother”:
sur les blogs, le site de socialisation Facebook, dans des
vidéos de parodie mises en ligne sur Dailymotion, les
termes employés sont très virulents.
Pour M. Monnot, “ce ton un peu excessif est lié
à l’image de premier flic de France que traîne Sarkozy”.
Captures vidéo de Nicolas Sarkozy et du visiteur avec lequel il a eu une altércation, le 23 février 2008 au salon de l’Agriculture
“Le
bruit médiatique est important mais reste
concentré dans des sphères de spécialistes
globalement en opposition à Sarkozy, qui se sentent
subitement observées”, analyse de son
côté Nicolas Vanbremeersch, initiateur du
réseau de blogeurs politiques “La République
des blogs”.
“Tu dois savoir qu’il existe plusieurs milliers de blogs
sur lesquels tu trouveras des choses désagréables
sur Nicolas Sarkozy”, écrit ainsi Luc Mandret,
blogueur régulièrement cité par la presse, en
s’adressant au nouveau venu à qui il souhaite “bien
du courage”.
Selon M. Vanbremeersch, pas moins de 10.000 billets sur le
chef de l’Etat sont en effet postés chaque jour sur les
blogs francophones, “dont 80% sont critiques”.
La nomination de M. Princen suscite d’autant plus de
grincements qu’elle intervient après plusieurs
polémiques liées à la mise en ligne
d’informations (affaire du SMS) ou de vidéos (Sarkozy
au Salon de l’agriculture, etc.).
“Après une campagne très active sur internet,
l’Elysée avait un peu déserté cet espace…
C’est comme s’ils avaient pris tardivement conscience que le
web était devenu un poil à gratter dans la
communication présidentielle”, souligne M. Vanbremeersch.
Pour autant, le fait de créer une veille n’est “pas
choquant en soi”, nuance M. Monnot.
“S’il elle sert de base pour intimider les blogeurs et
museler la liberté d’expression, c’est
problématique. En revanche s’il s’agit faire comme de
nombreuses entreprises ou partis politiques une revue du
web, c’est intéressant car c’est une forme de
reconnaissance”, estime-t-il.
Pour le journaliste Pierre Haski, du site d’information Rue
89, “la nomination de ce surdiplômé marque
d’abord la reconnaissance par l’Elysée que ce qui se
dit sur internet importe plus qu’on ne l’avait cru”. Et
d’ajouter: “il appartiendra à l’intéressé
de dissiper par sa pratique” les soupçons dont il
fait l’objet.