Contre l’euro fort, des industriels européens investissent en zone dollar
Le patron des patrons européens Ernest-Antoine Seillière, le 13 mars 2008 à Bruxelles
[21/03/2008 10:56:04] PARIS (AFP)
De plus en
plus de grands industriels européens choisissent
d’investir aux Etats-Unis plutôt qu’en zone euro pour
contrer la faiblesse du dollar face à l’euro, des
décisions qui menacent l’emploi européen selon
certains professionnels.
L’euro a franchi le seuil des 1,50 dollar fin février,
avant d’atteindre un sommet à 1,59 dollar le 17 mars.
Il s’est depuis replié autour de 1,54 dollar.
“Nous sommes à un seuil où l’on peut parler
d’alarme” pour les entreprises, prévient
Ernest-Antoine Seillière, le patron des patrons
européens. Rester compétitifs devient
“très compliqué”, estimait Emma
Marcegaglia dans un entretien à l’AFP et au quotidien
La Tribune début mars.
“La situation est limite pour les PME, car le moment
viendra où elles ne pourront plus réduire les
marges” pour rester compétitives, confirme Balbino
Prieto, patron du Club des entreprises espagnoles exportatrices.
Pour ces industriels européens, l’envol de l’euro
renchérit le coût de leurs produits sur les
marchés étrangers, freinant du même coup
leurs exportations, avec à terme le risque de perdre
des parts de marché.
Comme les politiques de couverture de changes ou les hausses
de tarifs, censées atténuer les effets
néfastes de l’euro fort, risquent de trouver leurs
limites, certains groupes n’hésitent plus à miser
sur leurs sites installés en zone dollar, aux
Etats-Unis ou dans des pays à bas coûts.
“Le mouvement de localisation d’investissements
d’entreprises de la zone euro dans les pays hors zone euro
est en train de s’accélérer”, constate Yvon
Jacob, président du Groupe des fédérations
industrielles (GFI) françaises qui représente
150.000 entreprises et six millions d’emplois directs et indirects.
En Allemagne, le constructeur automobile BMW a récemment
décidé d’augmenter les capacités de
production de son usine américaine de Caroline du nord
(nord-est), en y investissant 500 millions d’euros.
Son compatriote Volkswagen doit aussi prendre cet
été une décision sur sa future implantation
en zone dollar, de préférence aux Etats-Unis,
où il fabriquerait ses petits modèles dont la
rentablité est moins élevée que pour les
grosses berlines.
Les annonces de ce type se sont multipliées dans l’aéronautique.
Le français Dassault Aviation veut accroître
l’externalisation de la fabrication de ses avions d’affaires
Falcon dans des pays à bas coût ou en zone dollar.
Et Latecoère va investir 100 millions d’euros pour
créer un parc aéronautique en Afrique du nord,
où un millier de salariés du groupe construiront
des pièces simples.
En décembre, le président de Dassault Aviation et
du Groupement des industries françaises
aéronautiques et spatiales (Gifas), Charles Edelstenne,
avait emboîté le pas du président
exécutif d’EADS, Louis Gallois, qui affirmait que le
niveau du dollar était son “principal
problème” et que s’installer en zone dollar
devenait “le seul moyen”.
Depuis, EADS a annoncé qu’il allait profiter du contrat
de 179 ravitailleurs de l’armée de l’air
américaine pour installer une chaîne d’assemblage
d’avions civils aux Etats-Unis, où ses Airbus A330
cargo seront aussi désormais assemblés. Montant de
l’investissement: 600 millions d’euros à partager avec
son partenaire américain Northrop Grumann.
Cette décision a suscité l’inquiétude de la
CGT-Métallurgie, qui y voit un “présage”
de “nouvelles délocalisations d’activités”.
Pour Yvon Jacob, ces investissements sont “une lourde
menace pour l’emploi”, car même si les taux de
changes redeviennent “plus favorables”, ces
investissements, une fois concrétisés, “ne
reviendront pas chez nous”.
Plus généralement, la Confédération
européenne des syndicats a exhorté début mars
la Banque centrale européenne (BCE) à réagir
à la hausse “alarmante” de l’euro et à
soutenir la croissance en baissant ses taux
d’intérêt, car selon elle, l’emploi est
désormais menacé.