L’option d’un sauvetage des banques sur les deniers publics gagne du terrain
Un homme passe devant une agence de la banque Northern Rock à Londres, le 21 janvier 2008 (Photo : Carl de Souza)
[23/03/2008 10:27:02] PARIS (AFP)
L’hypothèse d’un sauvetage
des banques par les Etats pour résoudre une crise qui
menace l’ensemble du système financier gagne du
terrain, même si cette solution revient à faire
assumer aux contribuables les dérives de certains investisseurs.
Cette option pourrait s’avérer extrêmement
coûteuse mais permettre d’éviter des
conséquences économiques graves et durables.
“La collectivité” va peut-être être
amenée à “prendre en charge” la lutte
contre une faillite du système bancaire, a averti
Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international.
“Il faut donner le signal que les autorités sont
prêtes à faire ce qui est nécessaire”
pour éviter un effondrement du système financier
planétaire, a renchéri Angel Gurria,
secrétaire général de l’Organisation pour la
coopération et le développement économiques (OCDE).
L’administration Bush se dit pour l’instant opposée
à tout sauvetage fédéral des banques, mais
certains membres du Congrès plaident déjà en
ce sens.
Pour l’économiste Michel Aglietta, une telle option
risque de “devenir nécessaire”: on en est
à la “phase pénultième avant une
socialisation complète des pertes des banques”.
En Allemagne, la banque IKB a déjà reçu trois
fois l’aide massive de l’Etat, et le patron de Deutsche Bank
Josef Ackermann a demandé une action commune de l’Etat,
des banques et Banques centrales pour venir à la
rescousse des établissements financiers.
La Grande-Bretagne a nationalisé la banque Northern Rock
pour lui éviter la faillite mais l’addition pour les
contribuables pourrait s’élever à 55 milliards de
livres (plus de 70 milliards d’euros).
Au début des années 90, le gouvernement
suédois avait secouru le système bancaire en
offrant sa garantie à la dette des banques
commerciales, la banque centrale donnant un accès
illimité au crédit.
A la même époque, le gouvernement américain
avait réglé la crise des “Savings and
Loans”, les caisses d’épargne américaines, en
créant un fonds fédéral (Resolution Trust
Corporation, RTC) qui a repris leurs mauvaises créances.
En France, le sauvetage du Crédit Lyonnais, qui a
coûté des centaines de millions d’euros, reste
dans les mémoires.
Recourir à l’argent public pour empêcher la
faillite de banques dont les gestionnaires ont pris des
risques inconsidérés présente le danger
d’encourager la poursuite de telles pratiques.
Mais le “coût social d’une faillite bancaire qui en
entraîne d’autres serait bien plus important”,
selon M. Aglietta.
Un avis partagé par Jean-Hervé Lorenzi,
président du Cercle des économistes, pour qui les
acteurs de la finance (ministres, banquiers centraux,
régulateurs) doivent offrir un “soutien massif
(aux) acteurs les plus en danger”.
Cela pourrait aller “jusqu’à la nationalisation”
de banques ou de réhausseurs de crédit, qui ont
assuré des titres adossés sur de mauvaises créances.
M. Lorenzi propose la création de fonds publics
destinés à “reprendre dans leur bilan les
titres les plus problématiques détenus par les
établissements financiers, et dont les pertes finales
seraient garanties par les Etats”.
Aux Etats-Unis, on peut envisager aussi une modification
législative pour “éviter le problème des
saisies et ventes forcées” de logements, qui
accentuent le retournement du marché immobilier et les
pertes des banques, souligne M. Aglietta.
D’après lui, le sauvetage d’une grande banque
paneuropéenne serait plus difficile à gérer
qu’aux Etats-Unis, car il existe des autorités de
supervision dans chaque pays dont les positions divergent”.
“S’il faut mettre à contribution des budgets
nationaux, il va y avoir des batailles pour définir les
pays qui doivent payer: ceux où se trouvent les
filiales ou seulement la maison mère?”, argumente-t-il.