Pays du Golfe : liquidités abondantes et chute du dollar alimentent l’inflation
La Bourse de Koweït City, le 23 juin 2007 (Photo : Yasser Al-Zayyat)
[24/03/2008 07:09:02] MANAMA (AFP)
Les riches
monarchies du Golfe connaissent une inflation galopante,
alimentée par des liquidités abondantes, fruit de
recettes pétrolières records, et le maintien de
l’indexation de leurs monnaies nationales au dollar, en
chute libre, ont indiqué des économistes.
La situation s’est tellement aggravée que des
responsables économiques du Golfe vont se réunir
lundi à Bahreïn pour demander conseil à des
experts du Fonds monétaire international (FMI) et de
l’Union européenne pour contenir le phénomène.
“La masse monétaire dans les pays du Golfe a
gonflé, dans certains cas, de plus de 20% (…). Cela
explique la demande (élevée) et affecte, en
conséquence, les prix”, a déclaré à
l’AFP l’économiste bahreïni Ahmed al-Yusha.
Les monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG –
Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Koweït, Qatar,
Bahreïn et Oman) ont engrangé des recettes
pétrolières sans précédent grâce
à la flambée des cours du brut.
Mais ces recettes, injectées dans les économies du
CCG qui connaissent une croissance phénoménale,
ont favorisé des liquidités abondantes.
Le FMI a prédit pour les pays du CCG en 2008 un taux
d’inflation de 6%, qui pourrait être plus
élevé dans certains de ces pays.
En 2006, ce taux était aux Emirats et au Qatar de 9,3%
et 11,8% respectivement. Les statistiques sur l’inflation en
2007 ne sont pas encore disponibles, mais des estimations
évoquent un taux de 11% aux Emirats et 12% au Qatar.
L’Arabie saoudite, connue pour sa maîtrise de
l’inflation, a annoncé un taux de 4,1% en 2007.
La hausse des prix dans la région est expliquée
notamment par la montée des coûts de l’immobilier,
un secteur qui affiche une pénurie dans l’offre
malgré une frénésie pour la construction.
Les importations des zones hors dollar y contribuent aussi.
Une étude de l’Union des chambres de commerce,
d’industrie et d’agriculture du CCG, publiée en
décembre, a justifié l’inflation rampante par les
liquidités abondantes et l’indexation des monnaies du
CCG — à l’exception du dinar koweïtien — au
dollar, affaibli.
“Les liquidités disponibles (…) et la
dévaluation des monnaies locales sous l’effet de
l’effondrement du dollar” sur les marchés des
changes sont les deux causes de l’inflation, selon l’étude.
Elle souligne que la chute du cours du billet vert a
contribué à “la hausse du coût des
importations du CCG de pays dont les monnaies se sont
appréciées par rapport au dollar, comme l’Union
européenne, le Japon et la Chine”.
“Les importations du CCG sont passées de 154,5
milliards de dollars en 2003 à 376 milliards en 2007,
en hausse de 143%”, note l’étude.
L’indexation au dollar oblige les banques centrales du CCG
à suivre la réserve fédérale
américaine (Fed) pour ses taux directeurs. Or si la Fed
continue à baisser ces taux pour stimuler une
économie en difficultés, les Banques centrales du
CCG ont affaire à des économies florissantes avec
des taux de croissance élevés.
Mardi, la Fed a réduit ses taux d’intérêt de
0,75 point à 2,25%, et la plupart des banques centrales
du CCG ont fait de même.
Le même jour, la banque d’investissement EFG-Hermes,
basée à Dubaï, a souligné l’urgence pour
le CCG d'”une réforme monétaire”.
“Nous prévoyons à plus de 60% la
probabilité d’une réforme monétaire” au
premier semestre 2008 par un ou plusieurs pays du CCG, a
indiqué la banque, suggérant que les Emirats et le
Qatar pourraient ouvrir la voie à une telle
réforme sans préciser s’il s’agit d’une
désindexation ou d’une réévaluation.
Entre-temps, M. Yusha a indiqué que la liaison au dollar
devrait être reconsidérée dans le sens d’une
simple réévaluation des monnaies du CCG, sans
aller nécessairement à une désindexation par
rapport au dollar.