Les Irakiens s’enivrent des délices d’internet et des portables
Un Irakien enregistre un prêche religieux sur son téléphone portable, le 8 février 2008 à Sadr City (Photo : Wissam Al-Okaili)
[25/03/2008 23:22:14] BAGDAD (AFP)
Saddam
Hussein avait décidé que ses concitoyens pouvaient
survivre sans les délices des nouvelles technologies.
Depuis que son régime est tombé, il y a cinq ans,
les Irakiens ne peuvent plus se passer des
téléphones mobiles et de l’internet.
“L’internet, comme les portables, nous sont
désormais indispensables”, admet Sajjad, un vendeur
de téléphones mobiles, dans le centre de Bagdad.
L’explosion des moyens de communication est l’une des
conséquences les plus tangibles de l’intervention
américaine en Irak, en mars 2003. En mettant fin au
règne autoritaire de Saddam Hussein, elle a fait entrer
un pays littéralement coupé du monde dans
l’univers des télécommunications modernes.
Aujourd’hui, le nombre des téléphones mobiles en
Irak est évalué entre 8 et 10 millions, pour une
population de quelque 26 millions d’habitants, et trois
opérateurs se disputent le marché.
“Je télécharge sur mes portables des chansons,
des images, des vidéos clips pour mes clients”,
poursuit Sajjad. “Mes clients me demandent beaucoup de
chansons, des vidéos rigolotes que je trouve sur le
site internet YouTube.”
“Certains clients n’ont pas d’argent pour approvisionner
leur compte et appeler. Mais ils veulent des vidéos et
des chansons sur leur portable.”
Ali Adel, autre vendeur de portables, se félicite que le
commerce des téléphones mobiles soit devenu en
cinq ans un juteux business. “Les appareils d’occasion
sont particulièrement prisés, et c’est
là-dessus que nous faisons une grande partie de nos marges.”
Depuis mars 2003, le web est également accessible
librement aux Irakiens, et des dizaines de fournisseurs
d’accès internet ont vu le jour.
Une Irakienne téléphone sur le campus de l’université Al-Mustansiriya de Bagdad, le 16 mars 2008 (Photo : Ali Yussef)
“Sous
l’ancien régime, il y avait quelques rares cafés
internet dans des grands hôtels”, se souvient le
propriétaire du “Centre de Bagdad”, l’un de ces
cybercafés que l’on trouve dorénavant à tous
les coins de rues de la capitale irakienne.
Internet était placé sous étroite
surveillance, de nombreux sites étaient bloqués.
Chaque mail envoyé était intercepté et lu par
les “moukhabarats” (services de renseignements), qui
supprimaient purement et simplement les messages qui leur déplaisaient.
Une unité spéciale des services de
sécurité, qui centralisait tous les messages
envoyés par les utilisateurs d’internet en Irak,
était en charge de cette besogne.
Les réponses à ces mêmes messages, qui
prenaient parfois des jours pour arriver à leur
destinataire, étaient vérifiés de la
même manière.
Ces restrictions ont aujourd’hui disparu et des millions
d’Irakiens utilisent quotidiennement internet pour se
divertir, s’informer, se rencontrer ou “chatter”.
“Chaque vendredi, je vais dans un café internet et
je surfe pendant au moins deux heures sur le web”, dit
Bassam, chrétien d’une vingtaine d’années:
“J’utilise bien sûr Yahoo et MSN messenger, mais je
participe également à des sites communautaires
comme Hi5”.
Internet, le “chat” et le téléphone gratuit
via le net, sont devenus les moyens préférés
des Irakiens pour correspondre avec leur famille ou proches
à l’étranger.
“La plupart des usagers de mes seize ordinateurs ont
entre 17 et 35 ans”, observe un autre gérant de
cybercafé dans le quartier commercial de Karrada.
“Ils chattent, certains travaillent, mais beaucoup
regardent des sites un peu spécialisés”,
ajoute-t-il, sourire en coin, en une pudique mais claire
allusion aux sites pornographiques et de rencontres.
“L’heure de pointe est entre 16H00 et 19H00, mais ma
boutique reste ouverte jusqu’à 10 heures” du soir.
“J’aime chatter, je viens ici tous les jours”,
raconte l’un de ses clients, l’étudiant Abdul Rahman
Omar. “J’utilise le net pour faire la connaissance de
filles partout dans le monde. Et ça marche!”,
sourit ce grand adolescent. Mais “c’est plus
compliqué pour les rencontrer”, plaisante-t-il.
Autre activité très populaire chez les Bagdadis,
partager des vidéos sur leur téléphone mobile
grâce à la technologie bluetooth. Là aussi
les chansons populaires, les vidéos humoristiques sont
les plus appréciées, avec les inévitables
vidéos pornographiques.