Le
sujet est d’actualité, et fait couler beaucoup d’encre. Pourtant, le
Transport Multimodal des marchandises, qui est présenté comme la solution
miracle au problème de congestion du trafic routier et de pollution
atmosphérique, reste largement méconnue car n’a pas vraiment cours en
Tunisie. Nous avons voulu en savoir davantage en s’adressant à un expert,
auteur de plusieurs études sur la logistique et la chaîne
d’approvisionnement, M. Mondher Khanfir. Il lève la confusion des termes,
fait l’état des lieux en Tunisie et propose des solutions…
Webmanagercenter : Qu’est ce que le Transport multimodal ?
Mondher Khanfir : Le transport multimodal est défini comme étant
l’acheminement d’une marchandise empruntant deux modes de transport
différents ou plus.
A ne pas confondre avec le transport intermodal qui se définit comme
l’acheminement d’une marchandise empruntant deux modes de transport
différents ou plus mais dans la même unité de chargement ou le même véhicule
routier, et sans empotage ni dépotage. Ainsi, le transport intermodal est un
cas particulier de transport multimodal.
Ces terminologies ne sont pas toujours correctement utilisées et la
confusion fait rage entre le transport multimodal et intermodal.
Peut-on parler de Transport multimodal en Tunisie ?
Pour parler de Transport multimodal faut-il d’abord que coexistent divers
modes de transport. Or, les modes de transport les plus répandus en Tunisie
sont le transport routier et le transport maritime, en particulier dans le
cas du commerce international. A noter que le cabotage, forme séculaire du
transport maritime du commerce intérieur en Tunisie a pratiquement disparu,
alors que cette forme de transport est en train de rejaillir dans d’autres
pays, en Europe en particulier.
Le transport fluvial est inexistant, pour des raisons qu’on comprend, et le
ferroviaire largement marginalisé. Par ailleurs, le transport aérien est
généralement écarté car il ne s’inscrit pas dans la réflexion sur le
multimodal.
Comme vous le savez, le transport routier s’est développé très rapidement
ces dernières années, avec le développement de l’infrastructure et la
banalisation du métier de transporteur. Mais cette croissance s’est aussi
accompagnée d’une guerre des prix tirant le marché vers le bas et réduisant
les services connexes à un niveau très bas de sophistication.
Mais cette situation a vite atteint ses limites car apparaissent d’ores et
déjà des situations de saturation, de retour à vide, de pollution, de
congestion, et surtout de réduction de la marge à la suite des hausses
successives des prix du carburant. Un rééquilibrage des modes s’impose alors
comme une évidence afin de placer la sécurité, l’environnement, la qualité
et l’efficience économique au cœur de l’action.
Quels sont les pré-requis au développement du transport multimodal ?
Le transport multimodal ne peut se développer sans une stratégie logistique
globale couvrant aussi bien le commerce intérieur que pour le commerce
extérieur. C’est une question de masse critique des flux de marchandises.
En particulier, le chemin de fer requiert des investissements colossaux
(mise aux normes des rails, passage à l’énergie électrique non polluante,
….) pour assurer dans de bonnes conditions le transport de fret. Afin de
rentabiliser ces investissements, la SNCFT (Société nationale des chemins de
fer tunisiens) devra formuler une stratégie lui permettant de se positionner
comme un acteur majeur de la chaîne logistique, avec des services à forte
valeur ajoutée, et à des prix compétitifs. Il ne s’agit plus de charger des
wagons en transit entre gares, mais bel et bien assurer des liaisons
multimodales entre divers points de départ et d’arrivée.
Enfin, les investissements dans le secteur ‘’Transport et Logistique’’
seront décisifs pour hisser la Tunisie au rang de plaque tournante du
commerce en Méditerranée. Le plus important reste, à mon sens, la création
de «ports secs» à l’intérieur du pays qui ouvriront d’énormes opportunités
de développement dans les régions et pour lesquelles le transport multimodal
pourrait constituer un élément essentiel de la compétitivité logistique.