L’inflation repart à la hausse, en ce début d’année 2008. Selon l’Institut
national des statistiques (INS), l’accélération de la hausse des prix à la
consommation, entre janvier 2007 et janvier 2008, a atteint 5,7% dont 9,0%
pour les produits alimentaires et 8,1% pour les produits énergétiques.
Dans le communiqué de janvier, la BCT s’est contentée de rappeler que ce
taux «n’a pas dépassé en 2007 les 3,1%». Il fait allusion, toutefois, à
cette augmentation et relève que la Banque centrale a «procédé au relèvement
du taux de la réserve obligatoire de 3,5% à 5%, en vue de réduire l’excédent
de liquidité bancaire et maîtriser l’inflation».
La BCT, qui a pour mission soit d’injecter de l’argent soit d’éponger,
utilise généralement ce vieux mécanisme monétaire pour amener les banques à
resserrer le crédit et à traîner du pied lors de son octroi.
Objectifs recherchés à travers la réserve obligatoire : réduire l’excédent
de liquidité bancaire et maîtriser l’inflation. Le taux de la réserve
obligatoire avait déjà été relevé de 1,5% à 3,5% en novembre 2006.
En revanche, le taux d’intérêt directeur est maintenu inchangé depuis
septembre 2006 (relèvement de 25 points de base à 5,25%).
Dans le communiqué de février 2008, la BCT annonce, sans préciser, un
accroissement de l’indice général des prix à la consommation familiale de
0,4% entre décembre 2007 et janvier 2008, «sous l’effet des tensions
inflationnistes mondiales».
Par delà ces communiqués officiels, le risque est important. Car si rien
n’est fait pour juguler le taux d’inflation, le gouvernement tunisien devra
arbitrer entre deux choix : soit réduire certaines dépenses publiques, soit
subir une plus grande répercussion des augmentations des prix.
Cette hausse de l’inflation risque également de porter préjudice à la
crédibilité de la Tunisie auprès des institutions internationales. La
Tunisie étant connue auprès de ses principaux bailleurs de fonds et des
agences de notations internationales pour sa capacité régulière à préserver
les équilibres généraux de l’économie du pays, et surtout à réaliser un taux
d’inflation conforme aux critères européens, soit 3%.
Pour certains observateurs avertis, cette hausse de l’inflation est
conjoncturelle. Il s’agit tout au plus d’une tension provisoire sur les
prix.
Les origines d’une inflation
Il faut dire que cette inflation est en partie importée, en partie héritée
des engagements pris au cours de l’exercice écoulé et en partie générée par
la disponibilité chez les banquiers de liquidités qu’ils n’arrivent pas à
placer dans des projets productifs.
La Tunisie importe une partie de l’inflation mondiale du fait de la flambée
des prix de l’énergie et des matières premières, les prix des intrants ne
cessent d’augmenter.
Conséquence : la croissance de ces prix se traduit par une hausse constante
des prix des produits industriels fabriqués localement. Plus simplement
encore, les industriels sont amenés à répercuter le coût des matières
énergétiques sur les prix des produits manufacturés. Idem pour les produits
de base importés et à partir desquels d’autres produits sont confectionnés
(céréales et autres…).
La Tunisie hérite une partie de son inflation de l’exercice écoulé. Depuis
le second trimestre 2007, l’inflation est nettement repartie à la hausse. Il
faut dire que la facilité d’accès aux crédits, particulièrement aux crédits
de consommation, a largement contribué à cette hausse.
Les banques tunisiennes, qui engrangent, depuis 2005, d’importantes
quantités de liquidités, n’ont pas trouvé de preneurs parmi les
investisseurs. Résultats : les banques ont trouvé dans les salariés et
autres consommateurs une aubaine pour s’en débarrasser en partie. D’où cette
tendance des banquiers à offrir des crédits à la consommation remboursables
sur des périodes beaucoup plus longues que n’exigeaient les normes requises
en la matière, 5 à 7 ans contre 1 à 3 ans en principe.
Les crédits octroyés aux particuliers ont totalisé, en 2006, 5.208 millions
de dinars contre 4.493 millions de dinars en 2005, soit une augmentation de
715 millions de dinars (+15% – Rapport de la BCT 2007).
Les nouveaux crédits ont servi, principalement, à financer l’acquisition de
logements neufs, l’aménagement ou l’extension d’anciens logements dont
l’encours est passé de 2.569 millions de dinars au terme de l’année 2005 à
2.805 millions de dinars en 2006, en progression de 9,2%.
Les autres crédits octroyés aux particuliers, qui ont servi, notamment, à
couvrir les dépenses courantes, l’acquisition de matériaux de construction,
d’équipements ménagers et de véhicules neufs, ont totalisé 2.403 millions de
dinars en 2006 contre 1.902 millions de dinars en 2005, soit un taux
d’accroissement de 24,9%.
Pour les observateurs de l’économie tunisienne dont le FMI, la solution à
cette inflation poussive demeure dans le passage au ciblage de l’inflation.
C’est un cadre de politique monétaire qui vise à réduire les incertitudes et
à cibler un taux d’inflation réalisable. Plus simplement encore, il s’agit
de se fixer, au début de chaque exercice, un objectif d’inflation et de tout
faire pour l’atteindre.
Cette stratégie suppose la mise en place de toute une logistique. Des
instruments statistiques, des modèles pour prévoir l’inflation, des
compétences pour piloter le processus.
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