Environnement, social : développer le bassin du Mékong a aussi ses revers

 
 
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De G à D: les Premiers ministres vietnamien Nguyen Tan Dung, thaïlandais Samak Sundaravej, birman Thein Sein, laotien Bouasone Bouphavanh, chinois Wen Jiabao et cambodgien Hun Sen, le 31 mars 2008 à Vientiane (Photo : Hoang Dinh Nam)

[31/03/2008 07:41:19] VIENTIANE (AFP) Un maillage d’autoroutes prend forme en Asie du Sud-Est dans le bassin du Mékong, permettant aux régions les plus reculées de se développer, mais à un coût environnemental et social non négligeable mettent en garde les experts.

Pour leurs partisans, “les corridors économiques” qui devraient bientôt quadriller les six pays de la région –sud de la Chine, Laos, Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Birmanie– donneront un coup de fouet au commerce dans des zones souvent très rurales, appauvries par des années de guerre et d’isolement.

“Notre but est de transformer des infrastructures économiques de base, les routes et les réseaux d’électricité, en corridors économiques qui deviendront le nerf d’un groupement économique”, explique John Cooney, responsable infrastructures Asie du Sud-Est pour la Banque asiatique de développement (BAD), qui se trouve derrière une grande partie des projets.

Alors que les Premiers ministres des six pays, qui partagent le plus grand fleuve d’Asie du Sud-Est, se réunissaient lundi à Vientiane, des équipes continuent elles de travailler à des autoroutes qui bientôt réduiront le temps de transport entre Bangkok et le Yunnan, dans le sud-ouest de la Chine, ou entre les ports birmans et ceux de la mer de Chine du sud au Vietnam.

Mais les détracteurs de ces projets mettent en garde contre leurs effets pervers, le risque qu’ils accélèrent le trafic de bois tropical, le braconnage d’animaux sauvages, le trafic d’êtres humains, de drogue ou encore la propagation du sida.

“L’impact sur les modes locaux de vie et de subsistance sont dramatiques”, estime une étude co-écrite par Chris Lyttleton, de l’université australienne de Macquarie, sur une route financée par la Banque mondiale et qui relie depuis 2000 la Chine au port fluvial de Xiengkok, dans le nord-ouest du Laos.

Un afflux de commerçants chinois et thaïlandais a permis l’apparition de nouveaux biens de consommation et la création d’emplois, reconnaît l’étude. Mais il y a aussi “des augmentations dramatiques” de consommation de drogues de synthèse et du trafic d’animaux sauvages.

Pour les auteurs de l’étude, la route, désormais jonchée de bars et restaurants, est “une poudrière qui pourrait permettre une propagation rapide du sida ou d’autres maladies sexuellement transmissibles”.

Selon Martin Stuart-Fox, expert du Laos à l’université australienne du Queensland, beaucoup de Laotiens craignent désormais que “les camions ne stoppent le développement” de leur pays.

“Mes amis laotiens craignent que des +maux sociaux+ comme le sida et la prostitution ne fleurissent, et qu’il devienne plus facile de piéger de jeunes Laotiens, de les exploiter –sexuellement mais pas seulement– en Thaïlande ou au Vietnam”, poursuit-il.

L’organisation écologiste britannique Environmental Investigation Agency a de son côté dénoncé ce mois-ci l’achat massif par les Vietnamiens et les Thaïlandais de bois illégalement abattus au Laos pour en faire des meubles à destination de l’Europe et des Etats-Unis.

Le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a lui-même tiré la sonnette d’alarme contre la pression que les rapides changements économiques et démographiques font peser sur les ressources naturelles de la région.

“Malgré l’intégration économique croissante, une faiblesse essentielle de la (région du bassin du Mékong) est qu’elle manque encore d’une véritable entité régionale avec un mandat pour développer et mettre en oeuvre une vision commune d’un développement durable”, estime-t-il.

 31/03/2008 07:41:19 – © 2008 AFP