Depuis que j’ai repris du service, j’arpente toujours autant les couloirs de l’administration que dans ma précédente chronique. Par contre, je bois, de plus en plus, voire carrément beaucoup plus de cafés !Toujours titillant les accros à l’expresso, papotant avec les habitués des cafés turcs, et provoquant les chômeurs abonnés au café du coin… Moi qui ne bois que du thé, j’ai décidé de passer 24 heures dans la vie de ce breuvage. Je vous livre la vie mouvementée d’un café ashtar.
Il semble que le monde professionnel soit divisé en deux parties : Ceux qui en boivent beaucoup pour se donner du tonus, et ceux qui y traînent. Les «même pas le temps pour un café» sont d’ailleurs aussi nombreux que les «passe prendre un café quand tu veux, je suis au bureau».
Prendre un café, c’est un brin amical. Partager un instant de convivialité, c’est utile et chaleureux, mais il vaut mieux faire attention… «Donner son café à quelqu’un» (traduisez en arabe) peut porter à équivoque.
Dans les bureaux chics on m’offre un café importé dans des tasses ‘’tendance’’. Pour échapper du bureau et arracher quelques minutes précieuses de liberté, on abuse du «ouf, café je fume pour respirer». Certains s’approprient la cafétéria d’à côté pour leur pause café, alors que quelques dégourdies cachent même un thermos rempli du précieux nectar sous le bureau.
Ne vous y fiez pas pour autant! Même dans des cabinets hyper huppés et super design, il m’est arrivé de partir sans même un verre d’eau. Dans certaines administrations, le café froid est servi automatiquement par le préposé aux boissons avant même que celui qui me reçoit ne pointe du nez. A l’hôpital, la cafétéria est bondée. Les blouses blanches parlent d’intoxication, de cœur qui a lâché, des intestins noués. Du coup, même le meilleur nectar du monde ne peut plus passer.
Lieu de toutes les rencontres dans les villes et villages du pays, on continue d’y jouer aux cartes, d’y récolter des potins, d’y fumer la chicha, d’y trouver des maisons à louer, d’y chasser des opportunités, d’y trouver ceux qu’on cherche et même ceux qu’on ne cherche pas.
Le café est l’endroit des amours naissantes, des amitiés confirmées, des coups foireux, des plans ratés, des accords désenchantés, mais c’est surtout le Café des nattes à Sidi Bou, Chaouachine dans la médina de Tunis, Sidi Bouhadid à Hammamet, … des délices dans l’hymne à la Tunisie chanté par Patrick Bruel, café amer dans le film réalisé par la cinéaste Nadia el Feni, etc.
Dans les cafés branchés d’Enassr et du Lac, l’invasion des femmes dans un univers resté spécifiquement masculin pendant bien des générations en dérange plus d’un. Principalement réservé aux adultes et vieux, les ados se sont aussi appropriés ces lieux. Ils y passent des après-midi entières, faute de cafés littéraires, cafés théâtres et lassés par des heures de solitude dans un cybercafé.
06h00 du matin
la ville s’éveille.
Celui-ci a une longue route devant lui pour rejoindre Douz, où on lui a promis un boulot de commis saisonnier dans un campement en plein désert.
L’autre costume cravate, traîne la savate, sort de sa poche une tranche de cake maison. Sa femme refuse de se réveiller les matins pour lui préparer son café. Il attaque ses matinées hyper contrarié. La productivité inutile d’en parler, à moins qu’il ne cesse de faire le martyrisé, d’ailleurs depuis un moment, pour les promotions c’est raté !
29 ans, Mehrez est ouvrier à la journée. Il doit être au Mougeff …Comprenez un point de rencontres où les ouvriers tentent de dégoter un petit boulot de dépannage tel que le jardinage, le déménagement, la maçonnerie,…Arracher une journée de travail c’est déjà payer ses cigarettes, un bain maure et le quart d’un poulet. S’il est confirmé après une journée d’essai, il peut rêver à payer l’ardoise qu’il a chez le café du quartier. Chez Bachra, le cafetier il doit 24,800 pour 43 directs et 19 capucins, consommés tous les matins, où bredouille, il rentre au café pour se réchauffer et y passer sa journée.
Ce fameux breuvage n’a-t-il pas la réputation de donner « du courage et de la vigueur d’esprit » ? Pour le moment ce sont ses prix qui donnent le tournis : 0,300 D à 3,500 d pour atteindre 4,500D voire plus, dans certains lieux huppés. Certains malins ont même mis un compteur les samedis après-midi dans les cafeterias pour solliciter les consommations.
Le Japon est l’un des pays où il y a incontestablement le plus de distributeurs automatiques. Une firme qui y gère un réseau de 35.000 distributeurs automatiques a mis au point un concept surprenant. Un énorme écran plat défile de la publicité pendant 15 ou 30 secondes et récompense le spectateur par un café. Malgré la dépense à prévoir, ce business semble avoir de beaux jours devant lui …
Par Amel Djait Belkaid