OPA-OPE : la Cour d’appel de Paris renvoie dos à dos Sacyr et Eiffage

 
 
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Une tour construite par le groupe de BTP espagnol Sacyr Vallehermoso, en avril 2007 à Madrid (Photo : Philippe Desmazes)

[02/04/2008 10:37:18] PARIS (AFP) La Cour d’appel de Paris a renvoyé dos à dos, mercredi les groupes de BTP Eiffage et Sacyr Vallehermoso, annulant la décision de l’AMF d’exiger de l’espagnol le lancement d’une OPA sur le français et déclarant non conforme l’OPE (offre publique d’échange) proposée par Sacyr.

Dans un arrêt publié mercredi matin, la Cour d’appel “annule la décision” de l’Autorité des marchés financiers (AMF), mais seulement en ce qu’elle “demande à la société Sacyr, agissant de concert, de déposer un projet d’offre publique (OPA, NDLR) visant les actions de la société Eiffage”.

Par ailleurs, elle “rejette le recours formé par Sacyr contre la décision en ce qu’elle déclare non conforme (…) le projet d’OPE visant les actions d’Eiffage déposées par cette société”.

En Espagne, l’autorité espagnole des marchés (CNMV) a suspendu la cotation de Sacyr avant l’ouverture de la Bourse de Madrid, tandis que l’action Eiffage était également suspendue à la Bourse de Paris.

Le groupe espagnol contrôle depuis un peu moins de deux ans 33,2% d’Eiffage, et les directions des deux groupes se livrent depuis une guerre acharnée.

Lors de la houleuse dernière assemblée générale du groupe, en avril, Eiffage est parvenu à priver de droits de vote une partie des autres actionnaires espagnols du groupe, les accusant d’agir de concert avec Sacyr.

En riposte, Sacyr a lancé une OPE sur Eiffage, mais le français veut le forcer à lancer une OPA, beaucoup plus coûteuse.

Courant juin, l’AMF a donné raison à Eiffage en ne considérant pas valide l’OPE, estimant que les actionnaires espagnols avaient agi de concert, et forçant l’espagnol à déposer une OPA au prix minimum de 129,30 euros par action, prix le plus élevé payé “par les actionnaires de concert au cours des douze derniers mois”.

Sacyr avait déposé un recours devant la justice française pour contester cette décision.

Mercredi, la 1ère chambre civile, présidée par le premier président de la Cour d’appel de Paris lui-même, Jean-Claude Magendie, a estimé qu’il y avait bien eu “action de concert” et ce “nonobstant les déclarations en sens contraire des intéressés”.

Pour elle, il ne s’agit pas “d’un simple parallélisme de comportements, mais d’une démarche collective organisée”.

Par conséquent, considère-t-elle, “c’est à bon droit que l’AMF a estimé que l’OPE présentée par Sacyr dans ces conditions ne respectait pas les principes de transparence et de loyauté (…) et ne pouvait dès lors être déclarée conforme”.

Sur le volet OPA, la Cour a tenu un raisonnement totalement différent. Si l’AMF n’est “pas tenue de faire observer le principe de contradiction” lorsqu’elle “instruit une procédure de conformité” d’un projet d’OPE, l’obligation faite à Sacyr de lancer une OPA “s’analyse en une injonction”, a-t-elle ainsi observé.

Or dans un tel cas, la procédure “exige que les personnes concernées soient mises en demeure de présenter leurs explications”. Ce que l’AMF n’a pas fait.

Le gendarme des marchés financiers a donc violé “les droits de la défense”. Par conséquent, sa décision concernant l’OPA “doit être annulée”.

Enfin, la Cour a déclaré recevable le recours formé par six des sociétés espagnoles actionnaires minoritaires d’Eiffage, accusées d’avoir agi de concert.

La décision de l’AMF est en effet “susceptible d’affecter leur situation juridique”, elles ont donc “un intérêt légitime à la contester”.

 02/04/2008 10:37:18 – © 2008 AFP