[03/04/2008 10:06:27] BERLIN (AFP) Un procès de tous les superlatifs oppose lundi le numéro un des télécommunications Deutsche Telekom à 16.000 actionnaires qui s’estiment floués et s’appuient sur une loi votée spécialement pour l’occasion. Près de 800 cabinets d’avocats sont sur le pont pour représenter les plaignants, un logiciel a été créé exprès pour les recenser, le tribunal de grande instance (Oberlandesgericht) de Francfort (ouest de l’Allemagne) déménage pour l’occasion dans un centre de congrès pour abriter le public attendu. Par ses dimensions, le procès rappelle les “class actions” américaines qui regroupent des milliers de plaignants sous la bannière d’une même accusation. Et en effet, le procès Telekom sera aussi l’occasion de tester une loi allemande introduisant un mécanisme similaire, véritable “lex Telekom” élaborée pour répondre aux besoins de cette affaire titanesque et entrée en vigueur en 2005. Le dépôt des premières plaintes à l’encontre de Deutsche Telekom, accusé d’avoir mal évalué la valeur de son portefeuille avant de s’introduire en Bourse, date en fait de 2001. Mais jusqu’à maintenant, les quelques audiences qui ont eu lieu à Francfort étaient consacrées uniquement à des questions de procédure. C’est seulement lundi que démarreront, après plusieurs années de préparation, les débats sur le fond.
Ils verront défiler à la barre une série de témoins, dont le plus attendu est sans conteste l’ex-patron de la société, le flamboyant Ron Sommer. La date de sa comparution n’est toutefois pas encore connue. Pour Deutsche Telekom, il ne fait pas de doute que “la conformité du prospectus d’introduction en Bourse sera confirmée”, fait savoir le groupe. C’est en effet sur ce point que se cristallise la frustration de milliers d’actionnaires qui ont vu fondre la valeur de leur investissement. En juin 2000, Deutsche Telekom, ex-groupe public, a introduit en Bourse une troisième tranche de son capital, pour 66,50 euros par action. En pleine euphorie des nouvelles technologies, “l’action T” apparaissait comme un placement sûr. Après tout, la totalité des foyers allemands avaient alors un abonnement de téléphonie chez Deutsche Telekom, marque familière, en outre le maintien de l’Etat dans le capital du groupe apparaissait comme un gage de sérieux. Comme des milliers d’autres — l’offre avait été plusieurs fois souscrite –, un retraité du sud-ouest de l’Allemagne a acheté des actions, “pour plus d’un million d’euros”, selon Deutsche Telekom. Et comme des milliers d’autres, ses économies se sont envolées en fumée quand, en février 2001, le groupe a dû réviser en baisse la valeur de son portefeuille immobilier, provoquant une chute brutale de l’action.
Mercredi à la clôture, l’action Deutsche Telekom valait 11,13 euros à la Bourse de Francfort, soit six fois moins que son cours d’introduction de juin 2000. C’est ce retraité qui, au nom des 16.000 autres plaignants et en vertu de la nouvelle loi, réclame maintenant des dommages et intérêts au groupe de Bonn (ouest). Son argument principal: le patrimoine foncier de la société avait été mal évalué, et les actionnaires induits en erreur. Une série d’autres sujets vont également être abordés dans ce qui sera le procès de toute une époque et de ses excès. Par exemple le rachat à prix d’or de l’américain Voicestream, qui fera l’objet des premières audiences, mais aussi l’acquisition ruineuse de licences de téléphonie mobile de troisième génération (UMTS), ou encore la sous-évaluation par Deutsche Telekom de la concurrence sur ses marchés. Pour le moment, 17 audiences sont prévues d’ici fin mai, mais il est peu probable qu’elles voient la fin du procès, qui pourrait durer encore plusieurs années. En parallèle, plusieurs centaines d’actionnaires ont en outre porté plainte sur la deuxième introduction en Bourse, en 1999. |
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