[05/04/2008 09:40:21] NEW YORK (AFP) Dix ans après la fusion Citicorp/Travelers qui l’a créée, la banque Citigroup, longtemps la plus riche entreprise financière au monde, s’est aussi révélée la plus vulnérable à la crise, au point que son ex-PDG John Reed qualifie maintenant la création du groupe d'”erreur”. Dans une interview, M. Reed, PDG de Citicorp puis de Citigroup de 1984 à 2000, a jugé vendredi que la création du groupe, annoncée le 6 avril 1998, “n’a pas profité aux actionnaires, certainement pas aux employés (ni) aux clients, car notre position concurrentielle s’est affaiblie”. Pour lui, Citigroup s’est depuis transformé en “triste histoire”. Son jugement sévère sanctionne les récents déboires de la banque américaine, qui dispute le triste record de l’établissement financier le plus touché par la crise dans le monde, à son concurrent suisse UBS. Citigroup a déjà dû revoir en baisse la valeur de son portefeuille de plus de 20 milliards de dollars, et selon les analystes, elle devrait encore annoncer au 1er trimestre une quinzaine de milliards de dollars de dépréciations supplémentaires. La banque américaine a aussi affiché des pertes colossales de 10 milliards de dollars au 4e trimestre. Son action a diminué de moitié en Bourse depuis cet été et ne vaut plus que 24 dollars environ, 10 dollars de moins que lors de sa naissance il y a 10 ans, selon l’historique des cours de Google Finance. De quoi faire dégringoler l’étoile de ce groupe qui était encore il y a un an la première banque du monde en termes d’actifs et de capitalisation, selon le classement du magazine Forbes. Fin 2007, ce mastodonte financier affichait encore 2.187 milliards de dollars d’actifs, un record, avec 374.000 employés. Mais depuis Citigroup a chuté dans le classement des plus grosses capitalisations boursières et ne figure plus qu’au 3e rang parmi les banques américaines, derrière Bank of America et JPMorgan Chase. La fusion Citicorp-Travelers, pour 72,5 milliards de dollars, avait impressionné par la taille: l’opération reste, à ce jour, la deuxième plus importante concentration bancaire mondiale derrière le récent rachat du néerlandais d’ABN Amro par un consortium de banques européennes. La nouvelle banque, forte de 200 millions de comptes-clients dans plus de 100 pays, pouvait se targuer d’une histoire remontant bien plus loin que Wall Street: 1812, date de naissance de son ancêtre, la City Bank of New York. Elle paie maintenant une décennie de boulimie, qui l’a vu grossir à coup d’acquisitions orchestrées par son PDG Sandy Weill, l’ancien patron de Travelers, qui a vite évincé M. Reed, au départ co-président. Ses incursions dans tous les secteurs de la finance –de l’assurance au courtage et à la banque commerciale– lui valurent le surnom de “supermarché financier”. Au faîte de sa gloire, début 2000, Citigroup voyait son action grimper à 57,50 dollars. Mais les années 2000 ont été entachées par divers scandales financiers où Citigroup, pilier de la finance américaine, s’est retrouvé impliquée, comme dans les affaires Enron et WorldCom. Encore la semaine dernière, la banque a dû verser 1,66 milliard de dollars pour régler définitivement la plainte d’Enron Creditors Recovery, la structure chargée de régler les dettes et les créances d’Enron depuis la faillite du groupe d’énergie en 2001. Citigroup est de loin la banque qui a dû le plus payer dans cette vaste affaire de comptes truqués. M. Weill a ensuite choisi pour le remplacer en 2003 son bras droit, Charles Prince, contraint de démissionner en novembre 2007 devant l’ampleur des pertes. Le nouveau PDG Vikram Pandit, aura fort à faire pour redresser la banque et son image. Il a annoncé cette semaine une vaste réorganisation qui vise à la faire rapetisser, avec une organisation par région, plutôt que par métiers, pour créer “une entité plus simple, moins lourde et plus efficace”. Il va devoir aussi faire travailler ensemble des divisions qui opéraient jusqu’ici chacune dans son coin. Selon la presse, M. Pandit a récemment fait appel à M. Reed comme consultant. |
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