Espagne : le plan anti-crise de Zapatero divise les économistes

 
 
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Le Premier ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, le 9 avril 2008 à Madrid (Photo : Pierre-Philippe Marcou)

[11/04/2008 12:40:50] MADRID (AFP) Le chef du gouvernement socialiste espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a beau se vouloir rassurant sur sa capacité à gérer la détérioration économique qu’il promet de courte durée, son analyse et son projet de relance ne font pas l’unanimité parmi les économistes.

Pour le vainqueur des législatives du 9 mars, la crise ne serait qu’une “parenthèse transitoire” et l’Espagne “retrouvera les niveaux de la législature passée” vers la fin 2009, avec le retour d’une croissance aux alentours de 3%.

Pendant cette “parenthèse” qui ne durerait que deux ans, M. Zapatero veut puiser dans les “marges budgétaires” accumulées ces dernières années pour soutenir l’activité sans rien sacrifier de son “plan de cohésion sociale”.

Depuis 2004, l’Espagne a accumulé près de 65 milliards d’euros sous forme d’excédents, et la dette publique est historiquement basse, à 36,2% du PIB.

Mais certains craignent que le gouvernement ne soit un peu trop optimiste, et que la “parenthèse”, conséquence de l’effondrement du BTP en Espagne (donc gérable au niveau national) et de la crise financière internationale (échappant en partie à l’emprise des Etats), soit plus longue que prévue.

“Une crise ne dure pas forcément qu’un ou deux ans”, relève José Villacis, professeur à l’université San Pablo CEU, à Madrid.

Cette hypothèse fait naître la préoccupation: comment soutenir l’activité sans mettre le budget dans le rouge?

“Il y a une confiance excessive dans les excédents budgétaires”, estime Eugenio Recio, professeur d’économie à l’école Esade.

Les mesures sociales et anti-ralentissement annoncées (restitutions d’impôt sur le revenu, relance des grands travaux d’infrastructures, reclassement des chômeurs, hausse des minima sociaux, etc.) vont grever les budgets, alors que les recettes fiscales sont déjà en baisse à cause de ce ralentissement.

De janvier à février, l’excédent budgétaire a reculé en partie à cause du coup d’arrêt de l’immobilier, pilier des “15 glorieuses” espagnoles, avec des recettes de TVA en baisse de 8% par rapport à l’année précédente.

La banque BBVA a estimé lundi que compte tenu des prévisions de croissance en baisse, “l’excédent des comptes publics pourrait être légèrement négatif en 2009”. Il resterait toutefois dans les clous du Pacte de stabilité.

La banque estime que la croissance 2008 ne sera que de 1,9%, alors que la prévision gouvernementale est de 3,1%.

“Dans les périodes de crise, nous mangeons ce que nous avons économisé jusqu’ici, mais la baisse de recettes fiscales risque de grignoter la marge de manoeuvre”, estime José Villacis.

Le ralentissement “peut provoquer une forte baisse des recettes, ce qui rendra plus difficile l’accomplissement de beaucoup des mesures proposées” par M. Zapatero, selon M. Recio.

Un pessimisme que ne partage guère Josep Oliver Alonso, professeur à l’université autonome de Barcelone: “en termes budgétaires, l’Espagne est dans une position dont peu de pays peuvent se targuer. Le niveau de dette publique est parmi les plus bas des grands pays de l’OCDE, donc la capacité d’action du gouvernement est très importante”.

“Une détérioration budgétaire ne serait pas lourde de conséquences” grâce à la forte capacité d’endettement de l’Espagne, déclare à l’AFP cet économiste qui réfute le terme de “crise”.

Les prévisions de croissances de l’Espagne, même revues à la baisse (le FMI prévoit 1,8% en 2008) restent supérieures à celles des grands pays européens.

L’opposition de droite reproche à M. Zapatero d’avoir “très peu d’idées” pour sortir l’Espagne de l’ornière.

Elle l’accuse de ne proposer que des “pansements” à défaut de profondes réformes structurelles pour remédier au manque de compétitivité de l’économie espagnole.

 11/04/2008 12:40:50 – © 2008 AFP