Allemagne : le débat du budget révèle les contradictions de l’équipe Merkel

 
 
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La chancelière allemande Angela Merkel et son vice-chancelier Frank-Walter Steinmeier, le 8 avril 2008 à Berlin (Photo : Axel Schmidt)

[11/04/2008 12:56:29] BERLIN (AFP) L’élaboration du budget 2009 en Allemagne a tourné cette semaine à l’empoignade et mis en lumière le dilemme du gouvernement: concilier rigueur budgétaire et largesses promises à 18 mois des élections.

Tous les ans, et dans tous les pays, les débats budgétaires voient s’affronter tenants de l’orthodoxie et partisans des dépenses. Mais cette année en Allemagne, le conflit a une ampleur inédite.

Le ministre des Finances, le social-démocrate Peer Steinbrück, veut utiliser un procédé inhabituel et particulièrement brutal: il a menacé de retirer leur compétence budgétaire à quatre ministres du gouvernement de grande coalition, qui réclament plus d’argent pour l’an prochain qu’il n’est disposé à leur en accorder.

Le ministre invoque l’objectif du gouvernement de ramener le déficit de l’Etat fédéral à zéro en 2011. Un objectif “d’une importance centrale” et dont “tout découle”, a-t-il martelé cette semaine. Notamment parce que sa tenue sera “une preuve de compétence de la grande coalition” qui réunit sociaux-démocrates et conservateurs à la tête du pays.

Les deux clans vont se soumettre l’an prochain au jugement des urnes, après quatre ans au pouvoir. Un budget fédéral à l’équilibre serait effectivement un argument de campagne non négligeable, et ce des deux côtés, alors que la dette allemande avoisine les 1.500 milliards d’euros et engloutit chaque année en charges d’intérêts un sixième des dépenses de l’Etat.

Mais à la bataille des arguments, les ministres frondeurs, issus indifféremment d’un camp et de l’autre, ont de bonnes cartes aussi. Tous, ils peuvent se prévaloir de décisions prises par le gouvernement et affichées elles aussi comme des objectifs primordiaux.

La ministre du Développement et de la Coopération veut dépasser son budget imparti? “L’Allemagne s’est engagée sur le plan international à augmenter significativement son aide au développement d’ici 2010”, rétorque l’intéressée, Heidemarie Wieczorek-Zeul, venue défendre son bout de gras aux informations de 20 heures jeudi soir. Elle se réfère à un engagement pris l’an dernier lors du sommet du G8 présidé par… l’Allemagne.

De la même façon, aux rappels à l’ordre du grand argentier, le ministre de l’Economie oppose l’objectif de faire passer les dépenses de recherche et développement à 3% du PIB d’ici 2010. La ministre de l’Education et de la Recherche invoque la même raison, doublée de la hausse décidée il y a quelques mois des allocations aux étudiants, une mesure très populaire parmi les jeunes.

Pour l’instant, la chancelière essaie de ménager la chèvre et le chou. “Il y a plusieurs objectifs qui coexistent”, a reconnu vendredi le porte-parole d’Angela Merkel, Thomas Steg. Et “aucun ne sera abandonné”. Mais “il faudra voir comment ils peuvent être atteints”.

M. Steinbrück a l’air confiant du soutien de sa patronne, qui lui est “d’un secours inestimable”, a-t-il déclaré dans un entretien à la presse. Mais les autres ministres peuvent sans doute en dire autant, leurs missions ayant toutes été avalisées par la chancelière et son équipe. Y compris M. Steinbrück lui-même, d’ailleurs, rebaptisé “l’homme qui ne sait pas dire non” par le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung.

L’électeur de 2009 jugera-t-il l’orthodoxie financière ou la réalisation des promesses? Impossible à prédire, et c’est bien là le problème. En attendant, le même électeur “se retrouve, perplexe, devant un gouvernement qui décide allègrement tout et n’importe quoi, mais qui au final pourrait bien ne pas prendre au sérieux ses propres décisions”, commente vendredi le quotidien économique Handelsblatt dans un éditorial cinglant.

 11/04/2008 12:56:29 – © 2008 AFP