Le feuilleton du bras de fer entre les agences de voyage et les compagnies
continue. Nous avons appris qu’un troisième acteur s’était invité dans le
scénario, le Conseil national de la concurrence –qui relève directement de
la présidence de la République.
C’est en tout cas ce que nous a révélé il y a quelques jours une source bien
informée en précisant que ce conseil pourrait ester les compagnies aériennes
qui ont signé un accord entre elles pour appliquer le système ‘’uniformisé’’
et ‘’unilatéral’’ des ‘’frais de services’’. En fait, le Conseil de la
Concurrence juge injuste et surtout contre les règles de l’OMC sur la
libéralisation du commerce, dont la Tunisie est signataire.
Sans oublier que le ministère du Transport s’était déjà opposé à
l’application des frais de dossier mais pas pour les mêmes raisons, et c’est
encore plus grave, puisque notre ministère du Transport arguait que ces
frais fixés par les compagnies aériennes étaient élevés pour le consommateur
–ce qui n’est bien sûr pas l’avis des agences de voyage qui soutiennent le
contraire-, oubliant sans doute qu’on vit à l’heure de la mondialisation et
de la libéralisation économique.
Alors que les représentants des agences de voyage –y compris leur
fédération- avaient accepté l’application des frais de services, on pense
que maintenant tout est remis en cause désormais. Mais ce qui est inquiétant
voire alarmant, c’est cette impression qu’on a aujourd’hui de constater
qu’il n’y aucun ‘’pilote dans l’avion’’. Et si personne n’est capable de
décider, qu’on sollicite le chef de l’Etat en personne pour pouvoir voir
plus clair.
D’ailleurs, toujours selon notre source, la Lufthansa aurait décidé de
passer, à partir du 1er mai prochain, à la commission zéro.
Contactée par nos services, une source au sein de ladite compagnie nous
confirmé cette information tout en précisant que ‘’concernant les frais de
dossiers, nous avons nos tarifs mais en aucun cas nous ne les imposons aux
différentes agences de voyage’’. Ce que ces dernières semblent apprécier du
reste.
Car pour ceux qui ne le savaient pas, le système ‘’frais de dossier ou
services’’ est sensée récompenser la perte subie par les agences de voyage
sur les commissions qu’elles percevaient sur la vente des billets d’avion
–une commission qui est passée de 9%, puis 7% et maintenant à 0% (ou 1%).
Qu’on ne nous taxe pas de vouloir défendre un camp contre un autre, mais la
réalité est là. La Tunisie compte environ 185 agences de voyage accréditées
IATA, avec un chiffre d’affaires des ventes de billets d’avion qui
s’élèverait à environ 300 millions de dinars par an.
Il faut aussi savoir que, de nos jours, il n’existe aucune loi qui protège
les agences de voyage en Tunisie, contrairement à d’autres secteurs de
l’économie nationale, nous a-t-on indiqué un expert international dans
l’aviation civile.
Par ailleurs, notre expert nous a fait savoir également que la Tunisie est
signataire de la Convention de Varsovie de 1929 qui a institué le billet
d’avion papier, mais elle n’est pas signataire de la Convention de Montréal
de 1999 qui remplace celle de Varsovie institue le billet électronique. Mais
là où ça devient intéressant, c’est que la Tunisie, n’ayant ni signé encore
moins ratifié cette Convention de Montréal, elle l’applique tout de même.
Autrement dit, nous n’avons aucun texte de loi qui reconnaît aujourd’hui une
autre preuve de billet que le papier…
Conclusions de tout ça, si l’on ose, c’est que, sans bouée de sauvetage,
tiraillées entre taxes, commission nulle (zéro), et non application/non
application du système ‘’frais de dossier’’, les agences de voyage
tunisiennes ont jusqu’à présent résisté à toutes les ondes de choc
auxquelles elles étaient confrontées. Mais, car il y a maintenant mais, dans
la cacophonie actuelle, il leur sera extrêmement difficile –en tout cas pour
beaucoup d’entre elles- de pouvoir maintenir leurs activités.
Certains diront que ce n’est pas énorme leur CA, mais au bas mot, elles
emploient tout de même plus de 300 personnes –et ce sont 300 personnes de
moins dans le nombre des chômeurs en Tunisie. C’est peu mais c’est beaucoup
aussi.
Alors comment mettre de l’ordre dans la ‘’maison avion civile’’ dans
laquelle tout semble indiquer que compagnies aériennes et agences de voyage
ne peuvent plus cohabiter ? Et pourtant, on se rappelle le temps où les
agents de voyage étaient adulés et caressés dans le sens du poil ; personne
ne pouvait croire en le développement d’une compagnie aérienne sans un
réseau de distribution étoffé que constituaient les agences de voyage. On
n’en est pas encore au stade de divorce, mais tout semble y conduit…
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