La flambée des prix alimentaires constitue une menace pour les progrès
accomplis ces derniers temps en vue de réduire la pauvreté et de résorber la
malnutrition, déclare le Groupe de la Banque mondiale dans une note
d’orientation publiée mercredi 9 avril 2008, ajoutant que ces prix risquent
de se maintenir à des niveaux élevés sur le moyen terme.
« Les pauvres subissent tous les jours l’impact de la hausse des prix
alimentaires, surtout dans les zones urbaines et dans les pays à faible
revenu », a déclaré à cet égard le président du Groupe de la Banque
mondiale, Robert B. Zoellick. « Dans certains pays, les avancées réalisées
de haute lutte sur le front de la réduction de la pauvreté risquent à
présent de s’inverser. Nous autres membres de la communauté internationale
devons réunir nos forces non seulement pour fournir un appui immédiat, mais
pour aider les pays à définir des mesures et politiques en vue de réduire
l’impact de cet état de fait sur ceux qui, dans le monde, sont le plus
vulnérables. »
Intitulée Rising Food Prices: Policy Options and World Bank Response (Hausse
des prix alimentaires : Options pour les pouvoirs publics et réponse de la
Banque mondiale), la note d’orientation souligne notamment que la hausse des
prix du blé s’est chiffrée à 181 % sur les 36 mois qui ont précédé février
2008, et que les prix alimentaires mondiaux ont au total progressé de 83 %.
Pour ce qui est des perspectives d’avenir, on s’attend à ce que les prix des
cultures vivrières restent à des niveaux élevés en 2008 et 2009, pour
amorcer ensuite un recul. Mais dans la plupart des cas, ils resteront
probablement bien supérieurs à leur niveau de 2004 jusqu’en 2015.
Comme le souligne la note d’orientation, le renchérissement de ces produits
pourrait certes profiter aux ménages qui en sont producteurs nets mais, dans
plusieurs pays, les hausses de prix des denrées alimentaires de base vont
aggraver la pauvreté. De fait, dans beaucoup de pays et de régions où le
processus de réduction de la pauvreté s’est révélé difficile, l’impact de
ces hausses risque de réduire à néant les avancées de ces cinq à dix
dernières années, au moins sur le court terme. Dans le cas du Yémen, par
exemple, certaines estimations indiquent que le doublement du prix du blé
intervenu ces 12 derniers mois pourrait inverser tous les progrès accomplis
dans ce pays entre 1998 et 2005 sur le front de la pauvreté.
“Les pauvres ne font pas seulement face à une hausse des prix alimentaires,
mais aussi à celle des coûts de l’énergie, et c’est là une combinaison de
facteurs préoccupante », a souligné pour sa part Danny Leipziger,
vice-président du Groupe de la Banque pour la réduction de la pauvreté et la
gestion économique. « Des réponses doivent être apportées d’urgence à
l’échelon des politiques pour protéger les pauvres de ces hausses des prix
alimentaires, et elles doivent être conçues d’une manière de nature à
favoriser un surcroît de production agricole sur le long terme. »
Selon la note de la Banque, l’accroissement de la production de
biocarburants a contribué à la flambée des prix alimentaires. Les craintes
suscitées par l’évolution des prix pétroliers, les impératifs de sécurité
énergétique et le problème du changement climatique ont en effet amené les
pays à accroître la production et l’utilisation de ces nouveaux carburants,
ce qui a entraîné un surcroît de demande de matières premières telles que
blé, soja, maïs ou huile de palme. Mais cette flambée est
aussi liée à la hausse des prix de l’énergie et des engrais, à
l’affaiblissement du dollar et à l’application par certains pays de mesures
d’interdiction des exportations.
Beaucoup de pays ont déjà pris des mesures pour remédier à la situation,
indique encore la note. Certains ont entrepris de renforcer leurs filets de
protection sociale ciblés sur les groupes vulnérables, qu’il s’agisse des
programmes de transferts monétaires, de vivres contre travail, ou d’aide
alimentaire d’urgence. Plusieurs ont abaissé les tarifs et autres taxes sur
des denrées essentielles, pour donner un peu de répit à leurs consommateurs.
Par contre, d’autres ont pris des mesures pour interdire les exportations de
certains produits, ce qui se fait au détriment des pays importateurs de
produits alimentaires et, au plan interne, réduit les incitations destinées
à leurs propres producteurs.
Selon la note, les mesures visant à stimuler l’offre de céréales vivrières
sont essentielles à moyen terme, et cela passe notamment par le renforcement
des infrastructures de base (en matière de transport, d’électricité et
d’irrigation) et par un effort d’investissement dans les techniques
agricoles. Pour sa part, le Groupe de la Banque est déjà actif sur plusieurs
fronts en vue d’aider les pays :
• Il a appelé ses partenaires au sein de la communauté internationale à
combler le déficit de financement de 500 millions de dollars auquel fait
face le Programme alimentaire mondial des Nations Unies pour pouvoir
répondre aux besoins d’urgence.
• Il a fait de l’agriculture une priorité, et a d’ores et déjà annoncé qu’il
entendait pratiquement doubler son volume de prêt pour le secteur agricole
en Afrique, pour le porter de 400 à 800 millions de dollars, au cours de son
exercice 09 à venir.
• Il a entrepris d’accroître son appui financier pour répondre aux besoins à
court terme (en restructurant des projets en cours et en accroissant, le cas
échéant, le montant de ses prêts et dons à venir).
• Il a également entrepris d’aider à élargir et améliorer l’accès aux
programmes de protection sociale, sous forme de transferts monétaires par
exemple, ainsi qu’aux instruments de gestion des risques permettant
d’assurer la protection des pauvres.
• Il a contribué, par l’apport d’informations spécialisées, au débat sur les
biocarburants.
• Il a par ailleurs lancé des mises en garde contre les incidences négatives
de mesures telles que celles allant à l’encontre de certaines exportations,
qui entraînent des flambées de prix supplémentaires dans les pays
importateurs, et contre le niveau élevé des droits de douane et subventions
appliqués dans les pays développés.
Pour sa part, le président Zoellick a lancé, la semaine dernière, un appel
en faveur d’une refonte de la politique alimentaire mondiale. Il a parlé à
cet égard d’une « nouvelle donne », qui soit axée non seulement sur la faim
et la malnutrition, l’accès aux aliments et aux sources d’approvisionnement,
mais aussi sur leurs interconnexions avec l’énergie, les rendements, le
changement climatique, les investissements, ou encore des aspects tels que
la marginalisation des femmes.
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