Informatique : des emplois piratés ?!


Par Oualid CHINE

hacker1.jpgInformatique : des emplois piratés ?! Fonds de commerce à céder pour 170.000
dinars. C’était dans les petites annonces de La Presse, le dimanche dernier.
Il s’agit d’une petite boutique d’à peine 10 mètres carrés. Mais situé dans
un lieu magique : la galerie 7. Les affaires ont donc l’air de marcher dans
ce centre dédié à l’informatique sous toutes ses formes. Composants
électroniques divers. Disques durs, internes ou externes, clés USB en
pagaille, bobines de CD et DVD vierges, des iPod parfaitement imités,
lecteurs MP4. Films DVD ou DIVix, musique arabe ou occidentale sous tous les
formats possibles et imaginables. MP3, wav, du bon son pour tous les
mélomanes de Tunis. Bref une vraie caverne d’Ali Baba pour amateurs de
gadgets électroniques. Et des logiciels, évidemment.

 

Une cinquantaine de soft compilés sur des DVD, pour 3 dinars. Les fameuses
suites de logiciels baptisées «Parnasse» en sont à leur volume numéro 20. La
petite annonce est discrètement glissée parmi les autres «bonnes affaires du
journal». Location de locaux commerciaux, bureaux, et autres boutiques dans
des rues plus ou moins passantes. 170 000 dinars pour quelques mètres
carrés. Un indicateur, si besoin est de l’importance prise par ces centres
qui mettent le dernier cri de la technologie à la portée de nos petits
budgets tunisiens. Un commerce en expansion, donc, qui évolue parallèlement
à la popularisation croissante des nouvelles technologies en général, et de
l’informatique en particulier.

 

Et dans chaque boutique, il y a généralement au moins trois jeunes qui se
font de l’argent de poche, ou qui touchent même un salaire, monnayant ainsi
leur savoir-faire. Et pour cette seule galerie commerciale, pas moins d’une
cinquantaine de boutiques, réparties sur deux étages. Un peu à l’image de
nos anciens souks, qui rassemblaient les maîtres artisans selon leur métier
et leur corporation, dans des rues réservées à leur seul usage, et celui de
leurs clients. Un état d’esprit quasiment conservé par ces commerçants
pourtant à la pointe des dernières nouveautés technologiques. Sans compter
toutes les boutiques similaires, disséminées sur tout le territoire de la
République.

 

C’est dire l’importance de ce commerce en termes d’emplois créés. Sauvant
ainsi des milliers de jeunes tunisiens du spectre du chômage. Et ne nous y
trompons pas. Il ne s’agit pas juste de simples expédients dénichés pour se
faire quelques sous. Nombreux sont les tenanciers de ces boutiques à pouvoir
présenter un CV plutôt étoffé. Maîtrisards, et même diplômés du troisième
cycle, se rabattent ainsi sur ce secteur, dans l’attente de lendemains
meilleurs.

 

Quelques voix (souvent américaines) s’élèvent pourtant contre les
«conséquences négatives du piratage». L’United States Patent and Trademark
Office (USPTO) a ainsi organisé un séminaire à Tunis, les 24 et 25 mars
dernier, sur le (non) respect des droits d’auteurs. Une opération financée
par le MEPI (Middle East Partnership Initiative), connu pour ses ingérences
pas toujours heureuses dans les affaires du monde arabe.

 

Les chiffres 2006 de la Business Software Alliance, une organisation
chargée, comme son nom l’indique, de défendre les intérêts des conglomérats
internationaux du logiciel, ont été ressortis pour l’occasion. Et même la
Ligue Arabe s’y met. Comme s’il n’y avait pas de problème autrement plus
grave dans la région. Votre Webmanagercenter a, du reste, publié plusieurs
articles sur la question.

 

L’industrie souvent américaine du logiciel se plaît ainsi à marteler le même
argument dans tous les pays, et ce depuis des années. «Pour chaque dollar
investi dans des applications informatiques enregistrées, avec des licences
en bonnes et dues formes, trois dollars sont injectés dans l’économie». Ce
même argument a ainsi été servi quel que soit le pays visé. Le même discours
est tenu en France comme en Tunisie. On ne nous fournit pourtant pas
d’évaluation quant au nombre d’emplois que pourraient créer ces sociétés
dans nos pays du Tiers Monde.

 

Et puis finalement, seul un petit nombre d’entre elles produisent les
logiciels les plus utilisés. Le calcul est vite fait. Pourraient-elles
absorber les milliers de travailleurs de toutes les galeries 7 de la
République ? Ou voudraient-elles, à leur tour, pirater nos emplois ?!