Stiglitz : la crise financière est due au système des primes aux banquiers

 
 
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Le prix Nobel d’Economie et professeur à l’université de Columbia, Joseph Stiglitz s’exprime, le 14 février 2008 à La Défense (Photo : Pierre Verdy)

[24/03/2008 13:52:01] LONDRES (AFP)
L’actuelle
crise financière puise en grande partie son origine
dans le système “déraisonnable” des primes
aux banquiers qui les pousse à prendre trop de risques,
estime le prix Nobel d’économie américain Joseph
Stiglitz dans une interview publiée lundi dans le
quotidien britannique The Independent.

“Le système des indemnités a très
certainement contribué d’une manière importante
à la crise. Il a été conçu pour
encourager la prise de risques mais il a encouragé la
prise de risques excessifs. En fait, il les paie à
faire des paris”, a déclaré l’économiste.

“Quand les choses tournent bien, ils s’en tirent avec des
primes énormes. Quand les choses tournent mal, comme
maintenant, ils ne partagent pas les pertes. Même s’ils
perdent leur emploi, ils s’en sortent avec d’importantes
sommes d’argent”, a-t-il ajouté au quotidien.

Selon l’Independent, les bonus accordés cette année
aux banquiers de la City dépasseront les six milliards
de livres (7,7 milliards d’euros) en dépit de
dépréciations d’actifs bancaires qui
s’élèvent jusqu’à présent à plus de
60 milliards de livres (77 milliards d’euros) en raison de
la crise du crédit.

“La solution n’est pas tant de plafonner les primes mais
de faire en sorte que les pertes soient partagées, tout
comme les bénéfices, par exemple bloquer les
primes pendant dix ans: s’il y a des pertes la
deuxième, la troisième ou la quatrième
année, les primes seraient réduites de
manière appropriée”, a poursuivi l’ancien
économiste en chef de la Banque mondiale.

Le Prix Nobel 2001 a par ailleurs stigmatisé les
autorités de régulation financières qui
“n’ont pas fait ce qu’elles auraient dû faire”.
“Les réglementations elles-mêmes n’ont pas
suivi les innovations intervenues sur les marchés
financiers”, a-t-il estimé.

Les marchés financiers ont été “mauvais
dans l’évaluation des risques”. “Ils n’ont pas
compris la nature du risque systémique (et)
sous-estimé les corrélations”, a jugé M. Stiglitz.

La politique monétaire ne pourra pas à elle seule
dénouer la crise, croit M. Stiglitz, qui ajoute:
“Il nous faut une plus importante dose de politique
budgétaire afin d’empêcher l’économie de dégringoler.”

 24/03/2008 13:52:01 – © 2008 AFP