Pétrole : producteurs et consommateurs impassibles face à la flambée des prix

 
 
photo_1208962780152-1-1.jpg
Des prix à la pompe dans une station essence de Los Angeles, le 18 avril 2008 (Photo : David Mcnew)

[23/04/2008 15:08:48] ROME (AFP) Pays producteurs et consommateurs de pétrole sont incapables d’arrêter à court terme l’ascension vertigineuse des prix du brut, qui pourrait enfoncer davantage une économie mondiale en fort ralentissement, voire menacée de récession.

Les ministres du pétrole de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de pays consommateurs réunis au Forum international de l’Energie, qui s’est tenu à Rome de dimanche à mardi, ont regardé passer les seuils de 117, 118 et 119 dollars en trois jours de conférence sans faire un geste.

Dans leur déclaration finale, ils se sont contentés de se dire “préoccupés” par le niveau des cours et d’assurer que les ressources pétrolières et gazières étaient “suffisantes pour répondre aux besoins mondiaux”.

Depuis le début de la crise financière, le pétrole, et plus largement les matières premières, font l’objet d’une spéculation rampante de la part d’investisseurs qui cherchent à se couvrir de la baisse de la Bourse et du billet vert.

Le directeur général de l’Agence internationale de l’Energie (AIE), Nobuo Tanaka, a jugé “possible” que la hausse du cours du baril provoque une récession mondiale, alors que l’économie est déjà frappée de plein fouet par la crise des prêts immobiliers à risques.

Mais l’AIE, qui représente les intérêts énergétiques des pays consommateurs, a malgré tout cessé de demander à l’Opep, comme elle le faisait il y a encore un mois, d’augmenter sa production, jugeant l’approvisionnement du marché “suffisant” à court terme.

photo_1208963009158-1-1.jpg
Le secrétaire général de l’OPEP Abdallah el-Badri le 22 avril à Rome (Photo : Filippo Monteforte)

“La hausse des prix n’a rien à voir avec l’approvisionnement du marché”, a aussi estimé le secrétaire général de l’Opep, Abdallah el-Badri, mardi, ajoutant que même si l’Opep pompait plus, cela ne ferait pas retomber les cours.

Les pays producteurs subissent d’autant moins de pression pour augmenter leur offre que la demande résiste étonnamment à la flambée du brut, grâce à la croissance forte des pays émergents.

Une aubaine pour les producteurs, car ils peuvent maximiser leurs revenus en produisant à pleine capacité.

Mais pour Lawrence Eagles, principal analyste de l’AIE, l’Opep joue un jeu dangereux, car la production éventuellement mobilisable par l’Opep (la capacité excédentaire), “coussin de sécurité du marché pétrolier”, est “trop faible”.

Le ministre saoudien du Pétrole Ali al-Nouaïmi, chef de file de l’Opep, partage cet avis: “une capacité excédentaire de production limitée (…) représente la plus grande menace pesant sur l’approvisionnement en énergie”, a-t-il affirmé mardi à Rome.

Alors qu’elle atteignait 4 à 5 millions de barils par jour (mbj) au début des années 2000, la capacité de production excédentaire de l’Opep est tombée à 2 mbj aujourd’hui, dont l’essentiel aux mains des Saoudiens, qui estiment en faire assez et souhaitent voir d’autres producteurs investir.

Pour M. Eagles, si des incidents graves, géopolitiques ou climatiques, viennent dans les prochains mois perturber les approvisionnements ou si la demande est plus forte que prévue, les stocks des pays consommateurs ne pourront se reconstituer suffisamment pour répondre aux besoins à l’approche des migrations estivales ou de l’hiver.

A plus long terme, en ne faisant rien pour faire retomber les prix, l’attitude “dure” de l’Opep risque aussi d’accélérer les transferts d’énergie, vers le nucléaire par exemple, et les économies d’énergie.

Les chocs pétroliers de 1973 et 1980 avaient commencé par une interruption de l’offre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Mais la flambée des prix que ces chocs avaient générée avait conduit les années suivantes les pays industrialisés à réduire leur consommation de brut. Si bien que la demande avait fini par baisser, ainsi que les prix, tombés en 1999 à 10 dollars, au grand dam de l’Opep.

 23/04/2008 15:08:48 – © 2008 AFP