Alitalia : le sauvetage mis en péril par des “doutes” de Bruxelles

 
 
photo_1209034547323-1-1.jpg
Un avion d’Alitalia le 21 avril 2008 sur le tarmac de l’aéroport Ciampino de Rome (Photo : Christophe Simon)

[24/04/2008 21:43:14] BRUXELLES (AFP) Le gouvernement italien est loin d’avoir sauvé Alitalia: la Commission européenne a fait état jeudi de “doutes sur la nature de l’aide” de Rome à la compagnie aérienne au bord de la faillite, laissant augurer d’un premier conflit avec le futur gouvernement Berlusconi.

Le chef de gouvernement sortant Romano Prodi a décidé, en concertation avec son successeur désigné, d’accorder un prêt d’urgence de 300 millions d’euros à Alitalia.

Les autorités italiennes ont fourni de premiers documents à la Commission européenne lors d’une réunion mercredi, mais Bruxelles leur a écrit jeudi après-midi pour demander des explications supplémentaires.

Les Italiens “maintiennent que les mesures ne sont pas une aide d’Etat parce que le prêt est accordé à des conditions commerciales”, a indiqué le porte-parole de la Commission pour les transports, Michele Cercone. “Nous avons des doutes sur la nature des mesures.”

Il a souligné que même “un prêt aux taux d’intérêt du marché peut constituer une aide d’Etat si un prêteur commercial ne considère pas le bénéficiaire comme suffisamment sûr pour lui accorder un prêt”.

photo_1209045184061-1-1.jpg
Silvio Berlusconi est interrogé sur Alitalia avant les élections italiennes, le 10 avril 2008 à Rome (Photo : Vincenzo Pinto)

Et Johannes Laitenberger, porte-parole du président de la Commission José Manuel Barroso, de résumer: “Y a-t-il aide d’Etat ou pas aide d’Etat ? Là est la question”.

Une question cruciale: le gouvernement italien a déjà volé au secours d’Alitalia lors de difficultés dans le passé. Les derniers versements remontent à 2001, la compagnie n’a donc plus le droit à des aides d’Etat jusqu’en 2011, martèle Bruxelles depuis plusieurs jours.

Rome a promis dans un communiqué de fournir les informations demandées par la Commission “dans le délai des dix jours ouvrables spécifié par la lettre”.

“Nous avons l’esprit très tranquille”, a aussi assuré Maurizio Lupi, un responsable du parti de Silvio Berlusconi. “Le prêt d’urgence était un acte de responsabilité” du gouvernement.

Rome joue la montre: Alitalia, qui perd au moins un million d’euros par jour, est au bord du précipice depuis le retrait lundi soir d’une offre de rachat par sa concurrente Air France-KLM.

Mais beaucoup veulent arrêter les frais.

La compagnie irlandaise Ryanair a annoncé une plainte auprès de la Commission pour empêcher ce prêt. Et “la patronne des patrons” italiens, Emma Marcegaglia, a estimé qu’il n’était acceptable que s’il débouchait sur un projet de reprise valable.

Un haut responsable gouvernemental allemand, Matthias von Randow, a aussi jugé qu’Alitalia avait un avenir mais davantage “comme une partie” d’une alliance aérienne comme Air France-KLM ou Lufthansa-Swiss “que comme une compagnie indépendante, subventionnée par un Etat”.

M. Berlusconi s’est fortement impliqué dans le dossier Alitalia pendant la campagne législative italienne, en demandant notamment au président russe Vladimir Poutine une reprise des contacts avec Aeroflot.

La polémique pourrait empoisonner les débuts du prochain commissaire européen aux Transports, un Italien pas encore nommé mais déjà soupçonné de se montrer trop clément envers son pays d’origine. Même si Bruxelles réfute tout conflit d’intérêt.

Cet Italien remplacera le Français Jacques Barrot, qui passera à la Justice pour succéder à Franco Frattini, futur ministre des Affaires étrangères du gouvernement Berlusconi.

Malgré ce conflit potentiel, Silvio Berlusconi s’est réjoui mercredi soir de récupérer le portefeuille des Transports. “Il est beaucoup plus intéressant pour nous de nous occuper d’infrastructures et de transports que d’homosexualité”, a-t-il déclaré, en allusion au refus en 2004 des eurodéputés d’investir son candidat pour la Justice qui avait tenu des propos homophobes.

 24/04/2008 21:43:14 – © 2008 AFP