Il
ne porte pas vraiment son âge, tant il paraît encore plus jeune. Mais il
porte sur ses petites épaules une bien lourde responsabilité. Celle de ne
pas présenter à ses clients un diagnostic par trop optimiste (trompeur) ni
trop défaitiste (faux et décourageant). Dans son travail, il s’agit de
savoir taper dans le mille –ou, du moins, être tout près de la réalité des
choses. Et c’est d’autant plus délicat que ses clients sont des Américains,
pour l’essentiel, mais aussi des Australiens, des Anglais et un peu de
toutes les races du monde. Ce qui veut dire qu’à la moindre méprise et à la
moindre mauvaise appréciation du marché, c’est toute son image de marque
(celle de son entreprise, s’entend) qui risque d’aller à vau-l’eau.
Hatem Sellami est né à Sfax il y a 42 ans. Il y avait fait ses classes
primaires et secondaires avant de se rendre en France où il avait fréquenté,
pendant une seule année, l’école préparatoire (Lycée Henri IV de Paris) pour
les grandes écoles. C’est plutôt à Atlanta (Etats-Unis) qu’il prépara une
maîtrise, un mastère et un doctorat en informatique et engineering
électrique. Nous sommes là de 1985 à 1996, après un bac maths sciences
obtenu à Sfax en 1984.
Avec son doctorat, il intègre la Société RETEK, spécialisée en développement
de logiciels, mais surtout dans les études prévisionnelles des grandes
surfaces. Il y travaillera de 1996 à 2005, année où la Société va être
rachetée par une autre grand, Oracle. Hatem et un collègue à lui, Américain
d’origine palestinienne, décident de quitter la société pour s’installer à
leur propre compte. Jeunes et dynamiques, ils avaient de surcroît de
l’expérience et, mieux, un portefeuille de connaissances qui leur servira
bientôt de portefeuille clients impressionnant. De sorte que dès le premier
mois d’ouverture de leur propre entreprise baptisée PREDICTIX, ils avaient
déjà de la clientèle en Amérique du Nord, laquelle, progressivement, va
s’étendre en Angleterre, en France, en Russie, en Hollande, en Allemagne, en
Italie, en Australie, en Afrique du Sud et en Amérique Latine.
Leurs clientèles sont les grandes surfaces. Et leur travail consiste, à
l’appui de logiciels, de diagnostiquer, à la base de
l’historique de telle ou telle grande surface, des prévisions de toutes
sortes : minimiser le stock tout en assurant la disponibilité nécessaire du
produit ; prévoir la hausse des prix ; conseiller la mise en vente de tel
produit à telle période et à tel prix ; s’ingénier, en fonction de la
promotion faite autour de tel produit, à assurer la prévision la plus
précise possible. En termes plus clairs : ne pas amener le client à stocker
abondamment et pour rien (c’est de l’argent endormi), ni faire en sorte que
la grande surface en arrive à ne rien avoir à proposer sur tel ou tel
produit. L’on utilise ici des tas de paramètres, dont les principaux sont :
le pouls du marché à telle ou telle période de l’année, et la promotion, par
un tiers, de tel produit qui pousse à baisser le prix de son concurrent.
Bref, faire figure de baromètre du marché pour bien conseiller le client.
A Atlanta, le personnel de PREDICTIX est au nombre d’une petite cinquantaine
d’employés, dont quatre Tunisiens ayant étudié dans la même ville, mais
l’entreprise emploie au total quelque 75 personnes un peu partout dans le
monde, le travail ne nécessitant pas une présence physique, mais un travail
d’étude analytique à distance et en utilisant les nouveaux moyens de
communication.
En 2007, une nouvelle antenne de PREDICTIX a vu le jour en Tunisie, employant une
dizaine d’ingénieurs. Pour autant, le personnel de Tunis est recruté en vue
de prêter main forte à celui d’Atlanta, l’entreprise étant entièrement
off-shore. A fin 2007, la Société a terminé l’exercice avec un chiffre
d’affaires de 6,5 millions de dollars, avec 12,8 M $ si l’on prend en compte
le carnet des commandes dont certaines seront réalisés en 2008. M. Hatem Sellami considère que, la notoriété de son entreprise étant
faite, rien ne saurait, en principe, mettre en cause les prévisions
d’activités en cours. Son flair prévisionnel le rassure quant à la
fidélité de ses clientèles.
Or, ce baromètre des grandes surfaces s’est montré incapable de prévoir
son…retour définitif en Tunisie : «Je peux prévoir les fluctuations du
marché, mais je ne sais ce que feront de nous les jours, les semaines et les
mois à venir. Mais une
chose est sûre : j’aime mon pays, par conséquent je ne saurai finir ma vie à
l’étranger… ».