Carl Icahn, l’investisseur gêneur qui fait céder les patrons

 
 
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Le milliardaire américain Carl Icahn, le 2 novembre 2005 à New York (Photo : Mat Szwajkos)

[17/05/2008 08:15:10] NEW YORK (AFP) A 72 ans, le milliardaire Carl Icahn, cauchemar des grands patrons comme des syndicats, investisseur intrus qui manoeuvre les plus grosses entreprises, se lance dans une méga-bataille à sa mesure: faire aboutir le rachat de Yahoo! par Microsoft.

Il se voit comme un Robin des Bois des actionnaires, utilisant sa fortune pour entrer au capital des entreprises, place ses proches au conseil d’amdinistration, et force la main des dirigeants pour appliquer les stratégies qui feront vite monter l’action. Et il empoche une fortune au passage.

Bien souvent, il pousse à des choix radicaux, à court terme, contestés: une vente du groupe ou de ses filiales les moins rentables, avec des conséquences sociales redoutables.

Son étoile est montée dans les années 80. Né dans la banlieue de New York, diplômé de philosophie à Princeton puis étudiant en médecine, il plaque tout pour Wall Street. Il fait des “coups” en Bourse, en achetant des paquets d’actions, assaillant d’exigences les directions qui lui rachètent ses parts au prix fort pour se débarrasser de lui.

Mais ce n’est que dans les années 90 qu’il se professionnalise, avec trois fonds d’investissements devenus ses principales armes, forts aujourd’hui d’un trésor de guerre de 12 milliards de dollars.

Il devient l’archétype de l'”investisseur activiste”, honni de l’establishment, celui qui gêne les directions qui se croyaient les mains libres.

Travaillant jour et nuit, avec une petite équipe de proches, il repère les entreprises sous-évaluées, prend 6 ou 7% du capital, envoie des lettres comminatoires au président. Connu pour son franc-parler, il les critique vertement et publiquement.

Ses attaques paient souvent: les PDG cèdent et appliquent ses recettes, ou démissionnent.

Au point que maintenant, la seule rumeur de son intérêt pour une affaire fait bondir le cours de Bourse.

Il a des rivaux, comme Kirk Kerkorian ou Wilbur Ross, mais c’est le plus médiatique, celui qui a ciblé les plus grosses entreprises dans les secteurs les plus divers — pétrole, pharmacie, immobilier, automobile…

Il dit avoir fait monter les valeurs boursières de ses cibles de 50 milliards de dollars en deux ans. Son vrai pouvoir, dit-il est de jamais ne se laisser intimider.

Rien d’étonnant si les actionnaires mécontents de Yahoo! l’ont choisi pour mener bataille contre la direction et pousser à une vente à Microsoft.

Le groupe Motorola, par exemple, a dû se plier à ses souhaits.

En janvier 2007, au Forum de Davos, en Suisse, son patron Ed Zander a reçu la mauvaise nouvelle: Carl Icahn était entré dans son capital et exigeait un siège d’administrateur.

Quelques jours après, raconte le magazine Fortune, M. Zander fait le voyage rituel des PDG cibles d’Icahn, en se rendant dans les somptueux bureaux du milliardaire à Manhattan, décorés de tableaux de maîtres.

“Je lui ai dit: vous avez un groupe superbe. Pourquoi l’avez-vous foutu en l’air?”, raconte Carl Icahn, avant de le presser de vendre la division téléphones portables, le coeur du groupe.

Epaulé comme souvent par les fonds spéculatifs, Carl Icahn échoue de peu à rallier la majorité des actionnaires pour éjecter la direction, mais obtient gain de cause: on lui offre des sièges au conseil, le PDG Ed Zander annonce son départ, et Motorola décide de se séparer de sa branche de téléphones portables.

Dans cette affaire, il n’a pas encore atteint son but: l’action Motorola a baissé.

En revanche il a réussi fin 2007 un coup d’éclat, en convainquant en six mois le groupe BEA Systems –qui avait d’abord refusé– de se vendre au groupe Oracle, et encaissé 300 millions de plus-value au passage. Une affaire qui ressemble fort au dossier Yahoo!.

 17/05/2008 08:15:10 – © 2008 AFP