Marbrerie de l’Ouest : un chef de file très marmoréen


Par Mohamed BOUAMOUD

mdo230.jpgComme la coutume, en
économie, veut que ce soit les chiffres qui disent le mieux l’état de santé
de l’entreprise, on ne va pas y déroger. La Marbrerie de l’Ouest, ou MDO
pour faire simple, compte deux sites, l’un à Tala, l’autre à Bir El Kassaâ ;
produit 100 mille mètres carrés en produits finis et 13 mille mètres cubes
en bloc de marbre par an ; et termine l’exercice 2007 avec un chiffre
d’affaires se montant à 5,5 millions de dinars, dont le tiers provient de
l’export sur principalement l’Italie et la France, et un tout petit peu sur
quelques pays du Moyen-Orient.

 

Pourtant, ainsi balancés en vrac sur la table, ces chiffres, malgré leur
poids, ne disent rien sur le travail gigantesque ayant débouché, des années
plus tard, sur une telle situation. Une vraie gageure, MDO est née en
pataugeant dans une conjoncture économique par trop délicate, mais avec une
telle détermination à survivre qu’au bout de seulement cinq années elle est
parvenue à devenir exportateur sur un pays jusque-là notre propre, voire
l’unique, fournisseur de marbre. Historique.

 

En cette année 1985, la Tunisie, essoufflée économiquement, devait au moins,
mais coûte que coûte, mettre un terme à certaines de ses importations. Luxe
ou pas, le marbre était, entre autres, tout désigné à accuser un bémol
certain. Trois acteurs allaient entrer en jeu en vue de sauver ce qui
pouvait l’être dans le domaine marbrier. D’abord les banques de
développement qui s’étaient dites prêtes à prêter main forte au
développement régional en misant sur les ressources régionales propres. Puis
le ministère de l’Economie de l’époque qui avait attiré l’attention sur la
possible intégration d’une vieille unité marbrière à Tala, la SOTUMACO.
Enfin, le groupe Badr de Abdessalem Ben Ayed, un groupe agissant dans divers
secteurs, tels l’ingénierie, le tourisme, les produits pétroliers, etc. Avec
un capital initial d’un million huit cent mille dinars, le projet –qui avait
dû faire l’objet d’un conseil interministériel en date du 26 mars 1985–
était né à la faveur de la toute première privatisation décidée par l’Etat
tunisien.

 

Première aubaine : la pierre marbrière de Tala (puis celle de Foussala, à
Kasserine) allait s’avérer de bon aloi : résistance à l’usure et un poli
irréprochable. Sauf que le projet, baptisé Marbrerie de l’Ouest, allait vite
être confronté à un couac de taille : non seulement le marché local était
resté de longues années sous le charme du marbre italien, il fallait, de
surcroît, convaincre les Italiens eux-mêmes de la qualité du produit made in
Tunisia pour donner sa chance qu’il méritait à l’extérieur au marbre de
Tala. Les responsables de MDO s’ingénient à trouver l’astuce nécessaire :
considérant qu’une star mondiale donne toute sa notoriété et son prestige au
couturier l’habillant, il fallait donc convaincre surtout les grands noms de
l’architecture mondiale. A l’examen, la pierre de Tala emporta, aux
Etats-Unis, en France et en Italie, l’unanimité quant à ses qualités. Aussi,
un partenariat tuniso-italien se tisse à l’orée des années 90 et favorise
l’exportation du marbre tunisien. Mieux : cette pierre marbrière de Tala
qui, jusqu’à 1984, avait sombré dans l’anonymat, se fit forte de lever haut
la tête et servir la réfaction du siège du Crédit Lyonnais à Paris, alors
que sa cousine de Foussala trôna à son tour sur les murs du Musée de Tennis
de Roland Garros. Deux exemples, entre bien d’autres, qui finirent par
asseoir confortablement la réputation de ce produit tunisien. Et ce n’est
pas tout : à Tala, l’euphorie, dans la foulée, était telle qu’une bonne
cinquantaine de nouvelles unités se déclarèrent présentes au-devant du
secteur. Ce regain d’intérêt pour le marbre tunisien et cette émulation ont
fait tout simplement que la filière marbre est aujourd’hui excédentaire
(plus d’exportation que d’importation, celle-ci étant due au marbre blanc
non disponible chez nous).

 

En termes de qualité, MDO
tire une part de marché avoisinant les 50%, mais
toutes catégories confondues, elle se contente de 30%. Sans perdre de vue le
plus important : MDO a brisé le mythe du marbre italien indétrônable.

 

Selon M. Mustapha Fourati, directeur général adjoint, la bataille de
MDO
reste déclarée sur trois fronts : d’abord l’impératif de récupérer les
déchets générés par les carrières en vue d’une meilleure utilisation (pavés
et bordures sur les extérieurs des villes de Tunisie) ; ensuite la solution
à devoir trouver pour les problèmes de prospection de nouvelles carrières,
et d’autres liés à la profession elle-même qui font que le secteur demeure
mal organisé ; et enfin, les problèmes liés à la commercialisation du
produit tunisien à l’étranger.

 

En attendant, MDO se propose d’acquérir un centre d’usinage numérique, en
termes plus simples : une machine totalement robotisée et commandée par des
logiciels permettant de faire tout le travail. De quoi, en somme, pouvoir
conquérir de nouveaux marchés.