Les traders écrivent l’histoire du pétrole dans l’excitation à la Bourse de New York

 
 
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Des traders sur les marchés des matières premières à la Bourse de New York, le 21 mai 2008 (Photo : Spencer Platt)

[22/05/2008 13:43:15] NEW YORK (USA) (AFP) Le téléphone portable collé à l’oreille, le regard rivé sur le tableau d’affichage fixé en face de lui, Ira Eckstein, trader indépendant à la Bourse des matières premières de New York (Nymex) ne tient pas en place: “131,34 dollars, désolé je dois partir”, s’excuse-t-il.

L’interview a duré à peine deux minutes: en cette journée historique de mercredi où le baril de pétrole a dépassé pour la première fois les 130 dollars, la célèbre place où se vendent et s’achètent des barils de “pétrole virtuel” avec des livraisons entre un mois et six ans, est en effervescence.

Des dizaines de journalistes et des groupes de touristes se succèdent dans l’espace, dominant le parquet, pour vivre “l’histoire qui s’écrit”.

Brenda Guzman, l’une des attachées de presse du Nymex, a troqué ses talons aiguilles contre des sandales. A petites foulées, elle va-et-vient entre traders surexcités et médias en quête de témoignages de ces acteurs privilégiés.

“Vous avez 5 minutes”, lance-t-elle à une équipe de télévision japonaise, tardant à installer son matériel. “Plus que 4 maintenant”, leur rappelle-t-elle.

Sur le parquet transformé en arène, s’activent environ 200 traders –que des hommes– arborant un uniforme avec un badge jaune sur lequel sont inscrits un numéro d’identification et des initiales.

Kit de communication vissé à l’oreille, ils tiennent d’une main un ordinateur portable, l’autre bras levé pour appuyer l’ordre d’achat ou de vente qu’ils viennent de recevoir par téléphone de leurs clients: raffineurs, compagnies pétrolières, fonds d’investissements, fonds de pension, ou particuliers…

“132” (dollars) tonne l’un. “132,40” dollars, lui rétorque-t-on dans un immense brouhaha.

A quelques mètres de là, un employé du Nymex enregistre et valide la transaction. Une poignée de secondes plus tard, le prix de celle-ci s’affiche sur les gigantesques tableaux de bord suspendus contre les murs et la centaine d’écrans plasma installés dans la salle. Il sera remplacé par un autre quelques minutes, voire secondes après.

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Des traders sur les marchés des matières premières à la Bourse de New York, le 21 mai 2008 (Photo : Spencer Platt)

Ainsi va le Nymex la première Bourse d’énergie mondiale, de 13HGMT à 18H30 GMT de lundi à vendredi depuis 1983, date du début de cotation du pétrole à New York.

C’est ici que sont fixés les prix référence du pétrole, en fonction du rapport de force entre l’offre et la demande, auquel s’ajoutent des facteurs conjoncturels telle la valeur du dollar ou des tensions géopolitiques.

Randall Rothenberg, la cinquantaine, trader pour le fonds d’investissement Battalion Capital Management, explique que si les prix sont aussi élevés, c’est parce qu’il y a des gens qui sont prêts à payer.

“La Chine et l’Inde sont en train d’exploser économiquement. Les Chinois comme les Indiens veulent adopter le mode de vie occidental: s’acheter une voiture, un réfrigérateur. Il faut s’y faire les prix ne reculeront plus”, raconte-t-il.

“Il y a un énorme appétit pour le combustible, nous sommes obligés de surenchérir, les clients sont prêts à payer cher”, ajoute Ira Eckstein.

Les traders disent que la dynamique du marché a changé, que les investisseurs traditionnels ne peuvent plus s’aligner sur les nouveaux arrivants tels les banques, les fonds d’investissements et les fonds de pension, qui ont déserté les Bourses à cause de la crise des “subprimes”.

Ces nouveaux intervenants ont triplé leur part dans les matières premières, à 85 milliards de dollars, depuis 2006, date à laquelle les échanges électroniques sont devenus permanents sur le Nymex, selon la banque d’affaires Goldman Sachs.

“95% des échanges sur le Nymex se font électroniquement et, là, personne ne sait qui achète quoi et qui vend quoi”, relève Michael Theesfeld, 34 ans, trader indépendant, qui loue sa place à 25.000 dollars par mois.

“Il faut redéfinir les règles du marché, mais je ne suis pas sûr que ça change quelque chose aux prix”, conclut-il.

 22/05/2008 13:43:15 – © 2008 AFP