[23/05/2008 08:06:33] TOKYO (AFP) Producteur excédentaire de riz et obligé, en plus, d’en importer en vertu d’accords internationaux, le Japon est assis sur un abondant stock inutilisé dont il ne sait que faire. L’actuelle crise alimentaire mondiale constitue une excellente occasion de s’en délester. Le prix du riz dans le monde a explosé ces derniers mois, passant de 375 dollars la tonne en décembre à 1.100 dollars la tonne en avril, selon les calculs de l’organisation américaine Center for Global Development (CGD). Cela n’émeut guère le consommateur au Japon, où le riz est hors de prix depuis des décennies. Les prix de vente y dépassent allègrement les 2.000 dollars la tonne sans alternative possible pour le consommateur, subventions massives et droits de douane prohibitifs verrouillant jalousement le marché. “Le marché japonais du riz est largement indépendant du marché international”, note Kyohei Morita, analyste chez Barclays Capital à Tokyo. Les Japonais aiment à appeler leur pays “mizuho no kuni”, ou “pays du riz abondant”. Les myriades de petites fermes rizicoles, souvent familiales, qui tapissent le paysage de l’archipel jouent un grand rôle dans l’imaginaire, la culture et bien sûr la gastronomie nationale, mais aussi dans la vie politique: les paysans sont un des soutiens traditionnels du Parti libéral-démocrate, la formation de droite au pouvoir depuis un demi-siècle. Ces petites exploitations, inefficaces économiquement, ne survivent que parce qu’elles sont soutenues à bout de bras par l’Etat. Et ce alors même que 40% des rizières japonaises sont actuellement inexploitées et que la consommation nationale de riz ne cesse de décliner, de plus en plus de Japonais lui préférant les pâtes, le pain et autres mets occidentaux.
Selon le ministère de l’Agriculture, le Japon a produit 8,71 millions de tonnes de riz en 2007, dont seule une quantité infime a été exportée. A cela s’ajoutent les 770.000 tonnes que le pays, longtemps totalement fermé au riz étranger, est désormais obligé d’importer chaque année, essentiellement des Etats-Unis, de Thaïlande et du Vietnam, pour garantir un “accès minimal” à son marché en vertu des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces importations n’atterrissent en fait jamais sur les étals des supermarchés. “Le riz thaïlandais est inadapté à la cuisine japonaise. Quant au riz californien, il est similaire au riz japonais. Mais pour protéger les fermiers, le gouvernement leur a promis que le riz importé ne sera jamais utilisé pour la consommation directe”, explique Nobuhiro Suzuki, professeur en sciences agronomiques à l’Université de Tokyo. De ce fait, quelque 2,3 millions de tonnes de riz sont actuellement stockées par l’Etat dans une dizaine d’immenses hangars réfrigérés. Un million de tonnes proviennent des excédents nationaux. Le reste est constitué de riz importé. Alors que de nombreux pays producteurs de riz redoutent actuellement une famine, Tokyo a exprimé son désir de revendre une partie de ses stocks, qui risquent autrement de finir jetés en pâture aux animaux. “Le monde est confronté à une pénurie de riz mais il existe d’énormes surplus au Japon”, constate le professeur Suzuki. “Le gouvernement ne sait que faire de ce riz importé, surtout du riz thaïlandais. Le réexpédier vers des pays tiers est donc une très bonne idée”, estime-t-il. Le Japon a annoncé son intention de vendre d’urgence 200.000 tonnes de riz aux Philippines, et 20.000 autres tonnes à cinq pays d’Afrique. Quant aux Etats-Unis, ils envisagent d’autoriser le Japon à revendre à des pays tiers le riz qu’il leur achète. En vertu des règles de l’OMC, un pays ne peut en effet réexporter du riz que si l’exportateur initial donne son accord. “Réexporter ce riz dans le cadre de l’aide au développement est une aubaine pour le Japon”, commente le professeur Suzuki, en soulignant les avantages diplomatiques que Tokyo peut tirer de sa “générosité”. |
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