[23/05/2008 11:00:58] MONTRÉAL (AFP) Le projet de rachat du géant canadien des télécoms BCE (Bell Canada), l’un des derniers grands projets annoncés dans le monde avant l’éclatement de la crise du crédit l’été dernier, battait de l’aile jeudi, compromis par une décision de justice inattendue. Dans une décision surprise, la Cour d’appel du Québec a jugé mercredi soir que BCE n’avait pas suffisamment pris en compte les intérêts des porteurs d’obligations en acceptant, en juin 2007, son rachat pour 51,7 milliards de dollars canadiens (autant en américains). Cette décision constitue un revers majeur pour les acquéreurs, le fonds privé d’investissement canadien Teachers et ses partenaires américains Madison Dearborn, Providence et Merrill Lynch, et pourrait faire capoter ce projet de rachat, le plus important de l’histoire du Canada. Elle intervient au moment où les banques ayant accepté de financer ce rachat par endettement tentaient d’obtenir des termes plus favorables pour leur financement, selon des informations de presse au Canada et aux Etats-Unis. L’onde de choc s’est répercutée jeudi matin à la Bourse de Toronto, où l’action BCE a perdu plus de 14% de sa valeur en début de séance, glissant à 31,85 dollars, soit nettement en dessous des 42,75 dollars proposés par les acheteurs. Cet écart témoigne des doutes qu’ont les investisseurs sur les chances de voir la transaction se concrétiser dans les termes et d’ici la date prévue, soit la fin juin. “Il est de plus en plus probable que les termes de l’accord de vente de BCE et de son financement vont être modifiés ou que la transaction va avorter”, estimait jeudi matin Michael Goldberg, analyste de Valeurs mobilières Desjardins. La décision de la plus haute instance judiciaire du Québec a renversé un jugement de la Cour supérieure du Québec qui avait approuvé plus tôt cette année le rachat et rejeté les demandes du groupe de détenteurs d’obligations. BCE a annoncé son intention de porter l’affaire devant la Cour suprême du Canada, mais il semble hautement improbable que celle-ci, si elle accepte de l’entendre, puisse le faire avant la fin juin. Les porteurs d’obligations faisaient valoir que l’offre convenue entre BCE et Teachers sous-estime la valeur de leurs titres de dettes, qui se trouvent dépréciés par ce projet de rachat, du fait que celui-ci doit se faire par endettement. Ces porteurs d’obligations comptent des poids lourds canadiens de la finance dans leurs rangs, comme les assureurs Manuvie et Sun Life et les banques CIBC et TD. Le projet n’est toutefois pas complètement mort, estimait pour sa part l’analyste Jonathan Allen, de RBC Capital Markets. Selon lui, BCE pourrait notamment réduire quelque peu son prix de vente, d’environ 1,64 dollar par action, de façon à pouvoir proposer un règlement financier satisfaisant aux porteurs d’obligations, de l’ordre de 1,3 milliard de dollars. Mais le projet de rachat était déjà compromis par l’insistance des banques engagées dans son financement pour en renégocier les conditions, en exigeant notamment des acheteurs des taux d’intérêt plus élevés et des modalités plus restrictives ou en cherchant à en faire baisser le prix de vente. Trois des banques impliquées dans le financement du rachat de BCE -Citibank, Deutsche Bank et Royal Bank of Scotland- faisaient d’ailleurs partie du consortium qui a forcé la semaine dernière le groupe américain de radios et d’affichage Clear Channel à accepter près de deux milliards de dollars de moins que prévu pour son rachat par deux fonds d’investissement américains. |
||
|