Le cyberespace sert aussi d’antidépresseur pour certains ados fragiles

 
 
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Une personne utilise un ordinateur (Photo : Robyn Beck)

[26/05/2008 16:03:54] PARIS (AFP) Des faits divers récents ont mis en avant une responsabilité d’internet dans le suicide de jeunes, mais des professionnels soulignent que les blogs et sites de discussion permettent aussi aux adolescents d’évacuer leurs fantasmes morbides sans passer à l’acte.

La semaine dernière, un drame a été évité de justesse: trois jeunes qui avaient fait connaissance sur un forum internet ont été sauvés après avoir tenté de se suicider dans la forêt de Mormal (Nord).

Au Pays de Galles, en un peu plus d’un an, 17 jeunes demeurant autour de la ville de Bridgend se sont donnés la mort, dont certains se connaissaient via le site de socialisation Bedo.

Impossible toutefois d’affirmer que les tentatives de suicide ont augmenté avec l’utilisation d’internet.

Le psychologue Michaël Stora, consultant pour Skyblog, premier hébergeur français de blogs (14 millions), se refuse à stigmatiser internet.

“Mon travail d’expertise montre que sur les blogs ou les forums, les phrases les plus inquiétantes sont aussi les plus lapidaires, c’est-à-dire par exemple: +demain je me tue+”, explique-t-il.

Car sur les blogs et forums, les jeunes parlent librement du suicide, de la mort, de la scarification, de tout sujet tabou. La tâche des professionnels est d’essayer de démêler liberté de paroles et vraie incitation ou désir de se donner la mort.

“Pour certains jeunes, c’est tout à fait intéressant de se servir d’internet comme d’un véritable antidépresseur. Dans une période d’une grande fragilité comme l’adolescence, beaucoup vont utiliser les blogs comme des lieux de créativité avec des thématiques morbides, ça ne veut pas dire qu’ils passent à l’acte”, insiste le psychologue.

Et de citer la réaction d’une blogueuse contactée après la lecture d’un écrit aux connotations suicidaires et qui lui a répondu : “Ce blog m’a permis d’avoir 5.000 clics et 400 commentaires”. “Nous sommes dans une forme d’audimat affectif, comme la télé-réalité ou un psy-show”, résume-t-il.

Pour le psychiatre Didier Lauru, conseiller du site Fil Santé Jeunes (filsantejeunes.com), un service d’aide anonyme et gratuit mis à la disposition des jeunes par le ministère de la Santé, “internet est un média adapté à la problématique adolescente”.

“Par divers canaux, forums, chats, blogs, internet est une façon supplémentaire de faire appel aux autres, on peut y étaler sa souffrance sans être vu”, note-t-il. Ce n’est pas le dépressif profond ne parlant à personne qui va avertir sur internet de son intention de mourir.

Victor Silberfeld, responsable du site internet du Fil Santé Jeunes, partage ce point de vue.

“L’expression écrite qu’autorise internet n’existe nulle par ailleurs, il y certainement une jouissance chez les jeunes à provoquer, beaucoup expriment des idées de mal-être et même des idées suicidaires sur les forums de fil santé jeunes”, reconnaît-il. En fait, ce que les jeunes exprimaient hier ailleurs, ils l’abordent aujourd’hui, parfois même crûment, via internet.

Le colonel Philippe Baudoin, chef de la division de lutte contre la cybercriminalité aux services techniques de recherches judiciaires et de documentation de Rosny-sous-Bois, dispose d’une poignée d’enquêteurs pour veiller au grain.

Ses hommes peuvent soit détecter eux-mêmes un candidat au suicide sur internet, soit en être avertis par l’intermédiaire d’un modérateur sur un forum, par exemple. “Dans la majorité des cas traités ces dernières années nous sommes arrivés avant que la chose ne se passe”, confie-t-il.

 26/05/2008 16:03:54 – Â© 2008 AFP