[31/05/2008 08:14:10] BERLIN(AFP) (AFP) “L’affaire Deutsche Telekom”, qui a vu le géant des télécoms espionner entre autres des journalistes, secoue profondément l’Allemagne: elle touche à la thématique ultra-sensible de la protection des données, et elle écorne un peu plus l’image des dirigeants. Les révélations se sont succédées à un rythme effréné ces derniers jours dans ce scandale, qui a éclaté samedi dernier, et prenait en fin de semaine des proportions d’affaire d’Etat: lundi prochain des dirigeants de Deutsche Telekom et d’autres groupes de télécommunications sont invités au ministère de l’Intérieur car le ministre “est inquiet du respect de la protection des données dans ce cas”, a expliqué sa porte-parole. Il y a de quoi. Le numéro un européen des télécommunications a confié à des cabinets de détectives la mission d’identifier l’origine de fuites à la presse au sein de son conseil de surveillance. Et ceux-ci semblent n’avoir reculé devant rien: ils ont comparé des listes d’appels, mais auraient aussi, selon les informations parues vendredi, surveillé des comptes bancaires, installé des caméras cachées, introduit même une taupe dans la rédaction d’un magazine. Le parquet de Bonn (ouest), où Deutsche Telekom a son siège, enquête sur plusieurs personnes, dont l’ex-patron et l’ex-président du conseil de surveillance. Si le scandale trouve un si fort écho, c’est notamment parce que beaucoup de citoyens allemands sont fortement sensibilisés à la problématique de la protection des données. “Aussi déplorable soit-elle, cette histoire, c’est un but marqué pour notre camp”, explique à l’AFP Ricardo Cristof Remmert-Fontes, un des porte-parole du “groupe de travail stockage des données”, un groupement d’associations qui luttent contre ce qu’elles considèrent représenter une dérive du “tout-contrôle”. Hasard de calendrier, le groupement organise samedi une vaste manifestation dans plus de trente villes d’Allemagne. Dans leur collimateur, notamment, la loi en vigueur depuis le 1er janvier de stockage des données, mais aussi les projets d’une carte de santé électronique pour tous. Et Deutsche Telekom, ex-monopole, premier opérateur fixe et mobile du pays et plus gros “stockeur” de données de téléphonie. “Le cas Deutsche Telekom illustre à point nommé ce qu’on peut faire de ces données”, explique M. Remmert-Fontes. L’Allemagne n’est pas la seule à vouloir en savoir plus sur ses citoyens, la loi sur le stockage des données ne fait d’ailleurs qu’appliquer une directive européenne. Mais la vigueur de l’opposition en Allemagne, qui se manifeste aussi par l’ampleur prise par le scandale Telekom, “a un peu à voir avec notre passé”, et les dérives de contrôle à la fois de l’époque nazie et du régime communiste de l’ex-RDA, relève M. Remmert-Fontes. Le présent proche aussi explique la résonance exceptionnelle de l’affaire. Les révélations sur Deutsche Telekom viennent en effet prendre leur place derrière une file de scandales qui ont touché ces dernières années des entreprises allemandes: Lidl qui espionnait ses salariés, Siemens chez qui la corruption semblait monnaie courante, Volkswagen dont les dirigeants achetaient la paix sociale à coups de voyages et de visites galantes. Sans parler des salaires des patrons, dont les niveaux écoeurent. “Il y a un déficit de confiance entre les dirigeants et les salariés, et plus largement un manque de confiance de l’opinion publique envers les patrons”, pour Ulrich Sollmann, coach interrogé par l’hebdomadaire Manager Magazin. C’est tout naturellement donc que les ex-dirigeants de Deutsche Telekom, soupçonnés d’avoir commandité les opérations de surveillance, viennent se ranger dans la liste des patrons déchus. |
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