[01/06/2008 08:29:45] FRANCFORT (AFP) En dix ans d’existence, la Banque centrale européenne a gagné ses galons auprès des marchés financiers en imposant l’euro comme alternative au dollar, mais sans parvenir à le faire aimer. La BCE est né le 1er juin 1998, avec mission d’accompagner le lancement de l’euro sur les marchés six mois plus tard, un pas de géant dans la construction européenne. Le mérite d’un passage globalement sans douleur à une monnaie unique européenne, aujourd’hui partagée par 15 pays et bientôt 16 avec l’entrée prévue de la Slovaquie début 2009, revient en partie à la “gardienne de l’euro”, qui siège à Francfort, capitale allemande de la finance. Après un début parfois cafouilleux sous la houlette de son premier président Wim Duisenberg, la jeune institution a appris à communiquer avec les marchés. “L’amélioration est plus liée à un processus de connaissance mutuel entre la BCE et les marchés qu’à la transition” entre le Néerlandais et le français Jean-Claude Trichet, indique à l’AFP le chef économiste en Europe de la Bank of America Holger Schmieding. L’euro s’est de son côté imposé comme deuxième monnaie de réserve derrière le dollar américain. Signe de confiance, entreprises et Etats émettent davantage d’emprunts obligataires en monnaie européenne et on trouve désormais plus d’euros en circulation que de billets verts dans le monde. Mais faible face au dollar, comme en 2000, ou fort comme aujourd’hui, il reste mal aimé. Difficile de se reconnaître dans une monnaie sans nationalité, et l’union politique de l’Europe n’est pas pour demain. Un récent sondage montre qu’un Allemand sur trois aspire à un retour du Deutschemark. Et plus de la moitié des Allemands continuent d’associer la devise européenne à un renchérissement du coût de la vie, une impression largement partagée sur le Vieux Continent.
La tentation est grande de s’en prendre à la BCE, qui porte de facto seule la responsabilité de l’euro depuis sa naissance. La France et l’Italie sont revenues régulièrement à la charge ces dix dernières années pour critiquer la politique de l’institution et tenter d’écorner son indépendance, inscrite dans le Traité de Maastricht. Ils lui reprochent de se préoccuper uniquement de la lutte contre l’inflation, sa mission première selon le traité, sans se soucier des conséquences pour la croissance et les emplois. “C’est quelque chose de problématique, ces commentaires politiques constants. Cela complique la tâche de la BCE”, juge le Suédois Stefan Gerlach, professeur à l’institut pour la stabilité financière et monétaire, dépendant de l’université de Francfort, dans un entretien à l’AFP. En admettant qu’elle envisage une baisse de taux directeurs lors de sa prochaine réunion, et que la veille un responsable politique lui demande un geste en ce sens, elle ne pourra le faire sans donner l’impression de céder aux exigences politiques, ce qui serait fatal pour sa crédibilité, explique-t-il. Essayer de communiquer directement avec le public pour contrer les pressions politiques n’apporterait pas grand-chose, selon lui. “Une bonne banque centrale doit rester silencieuse en arrière plan, et travailler correctement”. Il est essentiel “d’inspirer confiance”. Mais cela passe par la réalisation des promesses. Et de ce point de vue, elle a échoué, puisqu’elle n’est pas parvenue à maintenir l’inflation légèrement sous les 2% en moyenne lors de la décennie écoulée, souligne-t-il. “Pour la BCE, l’ambition des dix ans à venir doit être de tenir” son objectif, estime M. Gerlach. Un vrai défi, compte tenu d’une tendance inflationniste grandissante découlant de la flambée des prix des aliments et des matières premières dans le monde, contre laquelle elle ne peut rien. |
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