Nigeria/pétrole : la carotte ou le bâton?

 
 
[23/06/2008 18:22:23] LAGOS (AFP)

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émancipation du Delta du Niger (Mend) (Photo : Ho)

Que faire pour arrêter l’hémorragie pétrolière au Nigeria qui paye un tribut de plus en plus lourd à l’insécurité et la violence dans le delta du Niger: méthode douce ou manière forte? Les avis sont partagés tant les risques sont grands.

Après l’attaque la semaine dernière sur Bonga, un important champ “deep offshore” de Shell à 120 km des côtes au large de Lagos, tout le monde est convaincu qu’il faut faire quelque chose et vite. Mais quoi?

Lundi, les plus hauts responsables militaires et de sécurité du pays se sont réunis à Abuja pour tenter de formuler une réponse. Ils sont restés muets à la sortie du meeting avec les patrons des principales multinationales.

“Nous souhaitons reprendre la production à Bonga le plus vite possible”, a commenté celui de Shell Nigeria, Ann Pickard.

En arrivant au pouvoir il y a un an, Umaru Yar’adua avait semblé vouloir plus privilégier la voie du dialogue que son prédécesseur, le général Olusegun Obasanjo. L'”affaire du Bonga” a indubitablement relancé le débat et “il y a encore des faucons”, avertit un observateur étranger.

“Le gouvernement doit réagir très fermement et violemment”, disait par exemple à l’AFP un dirigeant de la compagnie nationale nigériane NNPC sous couvert de l’anonymat juste après l’attaque contre le très important puits de Bonga opéré par l’anglo-néerlandais Shell (environ 200.000 barils/jour).

“L’industrie du pétrole ne se défend pas, nous n’avons pas de milice armée”, dit à l’AFP le dirigeant d’une multinationale. Une façon de dire que la sécurité incombe exclusivement au Nigeria.

Vendredi, le président Yar’Adua a donné l’ordre de renforcer la sécurité de toutes les installations pétrolières dans le Delta. Le lendemain, la marine a envoyé sur Bonga deux petits navires de guerre équipés de canons de 30 mm.

S’ils ne sont pas faits pour lutter contre des vedettes rapides et mobiles, ils auront peut-être “un effet dissuasif”, espère un expert militaire occidental.

“Il faut la carotte et le bâton. C’est très important de développer cette région du delta, négligée trop longtemps, mais il faut rétablir l’ordre”, affirme à l’AFP un influent responsable nigérian qui préfère ne pas être nommé.

Car tout le monde reconnait désormais que l’une des explications de cette violence qui depuis deux ans fait perdre au pays un quart de sa production, c’est le sous-développement du Delta depuis des décennies.

C’est sur ce terreau de misère qu’est apparu début 2006 le Mouvement d’émancipation du Delta du Niger, aujourd’hui le plus actif et redouté mouvement armé de la région.

Lors d’un entretien avec l’AFP en mai dernier, M. Yar’adua avait annoncé un sommet sur le delta du Niger (sud) dans “au maximum huit semaines”, sommet maintes fois annoncé par le passé et jamais tenu. “Avec tout ce que nous faisons, je pense que nous devrions en voir la fin dans les trois prochaines années”, avait-il pronostiqué.

Le MEND, qui vient de décréter dimanche une trève unilatérale “pour donner une nouvelle chance à la paix et au dialogue”, n’a visiblement pas l’intention d’y participer tant que son dirigeant Henry Okah, actuellement jugé à huis clos dans le centre du pays, ne sera pas libéré.

Craignant probablement un engrenage encore plus destructeur, le principal parti d’opposition, Action Congress, a mis en garde lundi contre l’éventuelle tentation du pouvoir de lancer une grande opération militaire de “nettoyage”, en prélude à un hypothétique sommet sur le Delta.

Plus que jamais le Nigeria pèse négativement sur le marché. On l’a encore vu le week-end dernier lors de la réunion producteur-consommateurs à Jeddah: “les Saoudiens ont tenté d’épater le marché en promettant plus de pétrole et cela aurait pu marcher… s’il n’y avait pas eu le Nigeria”, selon Phil Flynn, un analyste pétrolier.

 23/06/2008 18:22:23 – Â© 2008 AFP