[26/06/2008 17:17:59] PARIS (AFP) Les fournisseurs d’accès à internet pourront être contraints à l’avenir par la justice d’empêcher l’accès des internautes à des sites illicites hébergés à l’étranger, selon une décision récente de la Cour de cassation qui fait jurisprudence. Dans un arrêt rendu le 19 juin et consulté jeudi par l’AFP, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a estimé que la prescription de telles mesures de filtrage n’était “pas subordonnée à la mise en cause préalable des prestataires d’hébergement”. En mars 2005, huit associations antiracistes avaient lancé une procédure en référé, souhaitant que les fournisseurs d’accès mettent en place des mesures de filtrage pour interdire l’accès depuis la France au site révisionniste “Aaargh” (Association des anciens amateurs de récits de guerre et d’holocauste). Ce site, hébergé par des sociétés de droit américain, proposait alors en libre accès quelque 230 brochures antisémites ou révisionnistes, comme les travaux de Robert Faurisson et Jean Plantin. Dans un premier temps, en avril 2005, le juge des référés du TGI de Paris avait ciblé les hébergeurs, leur ordonnant d’empêcher l’accès de ce site aux internautes français. Mais l’un d’eux n’avait pas suivi cette injonction. Dans un second temps, le juge avait donc changé de stratégie et, le 13 juin 2005, fait injonction aux fournisseurs d’accès, tels France Télécom, Tiscali ou Tele 2, de prendre “toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français” au site Aaargh. Pour prendre une telle décision, le juge s’était fondé pour la première fois sur la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de juin 2004, qui permet d’ordonner à l’hébergeur le retrait du site, mais aussi, “à défaut”, si l’hébergeur ou l’éditeur échappent à la justice, d’en faire cesser l’accès. Le 24 novembre 2006, la cour d’appel de Paris avait confirmé cette ordonnance. Tandis que les associations s’étaient réjouies de ce “coup porté à l’impunité des sites hébergés aux Etats-Unis”, l’Association des fournisseurs d’accès (AFA), et certains d’entre eux à titre individuel, avaient formé un pourvoi en cassation. Suivant l’avis de l’avocat général Bernard Pagès, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi. Dans son avis, M. Pagès avait souligné “la réelle nouveauté et le progrès dans la lutte contre les sites” illégaux apportés par la LCEN. “C’est précisément pour lutter contre les paradis de l’internet, comme il existe des paradis fiscaux, que le législateur français a permis au juge d’imposer par défaut des mesures aux fournisseurs d’accès, seul moyen rapide d’action sur le territoire national, même si sur le plan technique, il n’existe pas de garantie totale de résultat”, écrivait-il. Du côté des fournisseurs d’accès, on se montrait jeudi moins enthousiaste. Dans son arrêt, la Cour de cassation semble suggérer qu'”une victime peut assigner directement un fournisseur d’accès à internet, sans avoir assigné préalablement” les hébergeurs, ce qui est “une situation un peu bizarre”, relevait ainsi l’avocat de l’AFA, Me Pascal Tiffreau. “Les fournisseurs d’accès à internet sont de bonne foi et n’entendent pas se soustraire à leurs responsabilités, mais ils ne veulent pas être les seuls dans cette galère”, poursuit-il, regrettant qu’aucune poursuite pénale n’ait été lancée contre l’éditeur de Aaargh, “qui vit toujours sa vie tranquillement”. |
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