M. Rachid Ben Jemia, diplômé de l’Ecole Nationale des Assurances de Paris
grâce à la STAR qui l’y a propulsé et au sein de laquelle il a fait le début
de sa carrière à partir de 1967, a intégré les Assurances COMAR en 1977 où
il a longtemps assuré la direction générale. Il vient récemment d’être nommé
Président directeur général du groupe COMAR/HAYETT.
Webmanagercenter :
Classée 8ème compagnie à sa création, COMAR occupe aujourd’hui le
2ème rang. Comment expliquez-vous ce bond, ce succès ?
Rachid Ben Jemia : En fait, ce sont plusieurs facteurs qui ont fait que
nous soyons à la place où nous sommes aujourd’hui. Et tout d’abord, la
rigueur de la gestion. Depuis très longtemps, nous avons décidé de ne point
faire de la démagogie du chiffre d’affaires (CA). Quand on cherche le CA à
tout prix, on peut l’avoir, mais alors là, ou on dégage des pertes, ou on
obtient un différentiel bien mince. C’est facile de vendre l’assurance à 50%
son prix et glaner 50% de parts de marché, mais pour quel résultat ? Dans
toute activité, l’objectif qui prime tout c’est la rentabilité, pas autre
chose. En ce qui concerne, non seulement nous ne cassons pas les prix, mais,
de surcroît, nous ne laissons pas à notre client le soin de choisir son
tarif ; des fois, nous ‘‘violons’’ notre client en le faisant payer plus que
le minimum légal.
C’est-à-dire ?
Regardez ce qui se
passait par le passé. Dans la mentalité de certaines gens, le mal, ‘‘ça
n’arrive qu’aux autres’’. Le vol, l’incendie ou autre, ça n’arrive pas au
client, c’est toujours aux autres. Par conséquent, quand nous lui proposions
de payer plus que le minimum légal, il rechignait à le faire, se contentant
du minimum exigé. Et c’est là la confusion dans les esprits. Le minimum
légal, c’est celui arrêté par le législateur. Cela veut dire que lorsque mon
client me paie sa prime d’assurance à sa plus simple expression, c’est, en
cas d’accident, les dommages causés au tiers que je couvre, non ceux de mon
client. Du coup, quand mon client est le responsable de l’accident, il vient
me réclamer également le dédommagement de ses dégâts. Mais en lui expliquant
qu’il n’a pas en fait assuré son propre véhicule, il prétend n’avoir jamais
été invité à payer plus que l’assurance obligatoire. Pour en finir avec
cette situation, nous avons décidé de faire payer à notre client une
garantie consistante. D’où, dans certains cas, l’agréable surprise de notre
client en découvrant que même son véhicule est assuré. Car nous avons créé
l’avance sur recours, c’est-à-dire que j’avance de l’argent à mon client
pour qu’il n’ait pas à attendre la fin de la procédure.
D’une part, donc, nous
avons fait en sorte que le contrat du client soit assez complet et dans
lequel il y ait ce plus lui permettant d’être la plupart des cas indemnisé
rapidement. D’autre part, nous sommes la seule Compagnie à avoir institué un
concours avec nos agents généraux : celui qui paie le plus rapidement un
sinistre en gagne quelque chose : ils me font perdre de l’argent et je les
paie pour cela. L’essentiel est qu’en fin de compte le client soit
satisfait.
Qui peut être agent
général ?
Autrefois, l’agent
général était choisi en fonction de l’importance de son portefeuille
relationnel. Certes, ce n’est pas négligeable, mais encore faudrait-il que
notre agent sache développer avec le client un discours convaincant ; nous
n’avons pas besoin d’un agent qui subisse l’ordre du client, mais qui soit à
même de le persuader de la justesse de notre offre. Aussi, n’autorisons-nous
pas l’ouverture d’une agence avant que le candidat n’ait au préalable été
formé chez nous pendant au moins une année, et sans qu’il ait, dès le
départ, le niveau de la maîtrise. Puis est arrivée la loi régissant la
profession. Mais de la sorte, nous avons créé un réseau d’agents – une
centaine – très compétents, de grande qualité et, qui mieux est, exclusifs.
C’est ça notre force.
En somme, l’assurance
auto est, pour vous, un bon ou mauvais produit ?
Pour nous, l’automobile a
toujours été un produit déficitaire. C’est simple : vous me payez une prime
de 300 dinars, et le lendemain vous allez fracasser sur la route deux
voitures ; eh bien, vous me faites payer dix fois, sinon plus, votre prime.
Non mais, en consentant une avance d’argent à mon client, ce n’est pas par
philanthropie que je fais cela. Nous considérons que, malgré tout,
l’automobile représente 50 % du chiffre d’affaires. Mais si mon client n’est
pas satisfait, il ne va plus rien assurer d’autre. Or, ce sont les autres
produits qui sont rentables, précisément l’incendie, la vie, etc. Non,
l’auto n’a jamais été rentable pour nous, même si les choses se sont
améliorées depuis l’institution du barème.
Barème ?
La Compagnie d’assurances
ne paie pas immédiatement un sinistre qui peut être réglé sur le long terme.
Avant, tout ce qu’on pouvait faire c’était une évaluation dont découlait une
réserve, une provision. D’ailleurs, la solidité d’une Compagnie se mesure,
aussi, par la masse de ses réserves par rapport à son CA. Puis, en 2006, il
y a eu institution d’un barème de calcul des indemnités des sinistres
corporels dus aux accidents de la route. Les tribunaux tiennent compte de ce
barème –avec toutefois une marge d’appréciation propre de 10 à 15 % – pour
déterminer l’indemnité à accorder aux ayants droits de quelqu’un décédé dans
un accident. Nous savons donc presque avec exactitude le coût d’un
sinistre ; c’est une charge à payer plus tard mais dont on tient compte dès
sa survenue. C’est ce que nous appelons engagements futurs ou réserves
techniques. A COMAR – et c’est un autre paramètre de notre réussite – les
réserves techniques sont deux fois supérieures à notre CA.
Chez les autres
compagnies multi branches, l’assurance vie y figure. Pourquoi, à COMAR,
avoir distingué celle-ci des autres produits ?
Nous avons créé la
filiale HAYETT car l’assurance vie a ses propres particularités dont,
notamment, le calcul mathématique tenant compte de la table de mortalité. On
peut, par exemple, jouer sur les tarifs des autres branches (sur
tarification, bradage de prix, etc.), mais ce n’est pas permis en assurance
vie qui est un produit d’épargne bancaire plus qu’une assurance au sens
classique. Donc on peut calculer exactement. Dans les autres branches, on ne
peut savoir le coût. Cela dit, il y a aléa même en assurance vie : on ignore
quand l’assuré va mourir, la table de mortalité ne permettant qu’un calcul
approximatif. Mais dans l’assurance vie, il y a une partie sans risque et
que je qualifie de noble : c’est l’assurance vie capitalisation/complément
de retraite qui n’est pas malheureusement assez développée chez nous. Elle
ne dépasse pas les 10 % alors qu’en France elle représente 60 % de
l’assurance.
Si on doit récapituler,
on va dire que le succès de COMAR se résume en trois mots : gestion
rigoureuse, un bon réseau d’agents généraux, et une direction générale
perspicace…
Pas du tout !, à elle
seule, la direction générale ne saurait réussir un tel exploit ni parvenir à
nous placer là où nous sommes à présent. Le plus important que j’aimerais
souligner, c’est que nos clients sont stables et fidèles, mais s’ils le
sont, c’est parce qu’ils sont satisfaits de nos services. Or, c’est un
aphorisme bien connu dans les Compagnies d’assurances : un client satisfait
est un client ouvert à plus d’un contrat. C’est tout dire. Mais je me dois
d’ajouter que la réussite de notre Compagnie est largement imputable à son
personnel. Nous avons une politique des ressources humaines très développée.
Nous refusons l’esprit employeur-fonctionnaires auquel nous préférons
l’esprit de famille. Car nous comprenons que le sort du personnel croise et
se confond dans celui de l’entreprise, nous comprenons qu’un personnel mal
dans sa peau le répercute inéluctablement sur son travail. Cela, on ne le
voudrait pas. Aussi, avons-nous une politique d’intéressement : une partie
du bénéfice profite à notre personnel. Et c’est d’ailleurs notre personnel
qui organise et réussit depuis plusieurs années deux opérations de mécénat :
le marathon et le Comar d’Or. COMAR est une famille évoluant au sein d’une
entreprise.